Anika
Pour débuter, Anika et sa froide beauté, son charme glacé et son répertoire cold, son magnétisme impossible à endiguer, a produit une forte impression, parvenant en dépit d’une attitude figée (elle en use remarquablement et ça lui sied à merveille, de même qu’à son répertoire) à captiver le public nordiste. Son superbe album prend sur scène une envergure plus importante encore, son chant lent et à la limite du narratif fait mouche, et sa cold wave matinée de dub et d’accents electro exhale sa singularité pour prendre dans ses filets, aidée en cela par de superbes lignes de basses et une instrumentation dont émane le génie de composition de Geoff Barrow, les spectateurs du soir. On comprend dès lors beaucoup mieux le coup de coeur du membre de Beak et Portishead pour cette dame basée entre Cardiff et Berlin et ayant pour principale vertu de cumuler les activités en les menant toutes à bien.
Anika
Musicalement en tout cas, ça prend et des pans entiers des décennies musicales passés surgissent au son des compos d’Anika et ses collègues, notamment les early 80’s ou les late 70’s, l’Allemande apportant en plus de cela une certain renouveau au paysage musical actuel par le biais de son approche unique et d’un style hybride à la fois actuel et ancré dans le passé de par les références auxquelles il recourt. Nous eûmes même droit, si je ne m’abuse, à un morceau inédit, porté par des guitares funky vivaces, aussi intéressant que le reste, pour une prestation de choix, à l’issue de laquelle notre présence au Grand Mix se justifie déjà amplement.
Anika
Suivent, après la « first lady of Invada Records« , les locaux de Cercueil, forts d’un Erostrate récent de tout premier ordre, dont c’est d’ailleurs ce soir la release party. Et cet album, Pénélope et ses deux « zicos » parfaits (dont un Nico Devos au son de guitare impressionnant) vont faire bien mieux que de le valoriser. L’ambiance est prenante, personnelle, presque aussi froide que pour Anika mais plus vivace, plus ouvertement rock, l’alliage entre cold, electro et rock racé et tranchant du trio s’avérant irrésistible. Olivier Durteste charpente le tout et Pénélope, au chant lui aussi individuel, envoûtant, complète l’oeuvre avec brio.
Cercueil
Le son est simultanément massif et subtil, et After dark ou Slave wave, pour ne citer qu’eux car c’est en fait le cas de toutes les compos jouées pour l’occasion, drapent l’assistance dans une enveloppe sonore dont on ne s’extirpe qu’à la toute fin du show, pendant lequel on navigue au son des séquences, par exemple, de l’imprenable Subtitle. Cohérent, porteur d’ambiances diverses et générateur d’émotions elles aussi variées, Cercueil est lui aussi en phase de finalisation d’un genre qui lui appartient, inventif, décalé, et si la preuve de sa valeur discographique est déjà établie, sa prestation apporte le témoignage, indéniable, d’une fiabilité scénique bien campée. Des plages comme The guest et son rythme soutenu, tout comme A ray apart et ses gimmicks de guitares (ou de synthé?) imparables, produisent un effet de taille et ce concert en territoire local crédite grandement un groupe des plus précieux, qui peut ensuite quitter la scène avec le sentiment du devoir (parfaitement) accompli.
Cercueil
Cercueil
C’est à Glasser, groupe de la délicieuse Cameron Mesirow (fille d’un musicien de The Blue man Group et d’une collaboratrice de Human Sexual Response, groupe post-punk des années 80), que revient l’honneur de succéder à Anika et Cercueil et de clore par la même occasion les festivités. L’éclectique chanteuse, magnifique dans sa tenue à la fois excentrique et de très bon goût, mène le bal et impose des poses théâtrales et saccadées du plus bel effet, au rythme de l’electro-pop dépaysante de son groupe, dans lequel figure une batterie electronique et qui signe à l’instar des deux artistes précités un genre qui porte sa griffe.
Glasser
Aussi vives que lancinantes et éthérées, ses réalisations, qui lui ont entre autres valu les premières parties de The XX ou Jonsi et affichent un ornement riche mais sobre, sont douées d’un pouvoir d’attraction conséquent, les danses classieuses et inédites de Cameron et l’originalité vestimentaire du groupe faisant le reste. Les influences sont larges mais entièrement assimilées et Glasser met fin avec style et panache à une soirée qui en appelle d’autres, la Dame effectuant même un rappel a capella qui valorise sa voix et démontre ses capacités, si besoin était, de vocaliste.
Glasser
La conclusion est donc parfaite, le moment vécu tout autant, et plébiscite le festival et les salles ayant la bonne idée de l’accueillir, ce charmant Grand Mix et sa programmation de qualité constituant de toute évidence un lieu hautement recommandable.Photos Michaël Caillaux.