Dire que les inconditionnels des 90’s françaises, et les récents « découvreurs » d’Acid Cobra Records, le label d’Amaury Cambuzat (voix et guitare pour les besoins de ce nouvel album, en plus de ses contributions à l’opus de Chaos Physique… et à un album de Faust, ni plus ni moins, sans oublier ses travaux en solo, aux climats luxuriants ), attendaient cette nouvelle livraison, après un Ulaanbaatar hautement réjouissant et un EP, Soleils, abouti, serait un euphémisme.
Connaissant le parcours du bonhomme et la teneur des productions du groupe, on ne pouvait en effet que trépigner d’impatience à cette idée, et attendre, de façon logique, beaucoup de ce Tohu-Bohu…plutôt ordonné et cohérent en dépit de son appellation, qui convoque tout à la fois la rage noise d’un Virago, le phrasé d’un Diabologum et l’élégance verbale et musicale de Kat Onoma, dont la synthèse est ici remarquablement réalisée. L’équilibre est trouvé avec aisance entre rock colérique (Newgame,com, entrée en matière digne d’Olivier Depardon et son fameux trio), délicatesse trouble (Speakerine), et morceaux dignes du Noir Désir le plus grinçant qui soit, même au beau milieu d’une trame en apparence posée (Régicide), qu’une instrumentation tendue vient perturber. Fort de ces canevas musicaux probants, Ulan Bator continue sur sa lancée et approfondit sur R136A1 ces tendances à la douceur, ici plus pure, moins tourmentée et tout aussi recommandable.
La rudesse rock débridée n’en est pas pour autant mise de côté et domine nettement sur Missy & The Saviour, aux riffs cinglants, avant un AT plus lancinant mais tout aussi offensif, aux guitares évoquant de belle manière les toulousains cités en début d’article, nouveau morceau de haute volée d’un retour qui ne l’est pas moins.
Cette alternance et cette qualité optimale prévaudront jusqu’à la fin de Tohu-Bohu, entre Mister Perfect, sobre et serein, et un Ding Dingue Dong court et obscur, avant que ne se profile l’éponyme Tohu-Bohu, caractériel, embrasé par des éclairs noisy et le saxo free, déjanté comme il se doit, de Terry Edwards. Majeur, massif et aussi mutin que Donne, l’ultime morceau de l’ensemble, peut être élégant et soigneusement orné, à l’image de ce que pouvaient faire Rodolphe Burger et ses amis strasbourgeois, il s’ajoute à la superbe dizaine de morceaux, solides et sans failles, dont nous pouvons ici profiter sans modération aucune, conquis dans un même élan par l’allant sonore et la verve textuelle, et le côté avenant des compos les plus calmes, dont Amaury et ses collègues font preuve.
En outre, le chant en Français se fond remarquablement dans les trames mises en place par le groupe, aidé en cela par la qualité d’écriture du chanteur-guitariste, et offre la possibilité, rare et précieuse, d’apprécier de façon intégrale un album chanté dans la langue de Molière,et ce come-back dont on espère qu’il engendrera d’autres rendus aussi brillants et captivants que ce Tohu-Bohu dont le contenu lui permet de venir talonner les sorties hexagonales du moment, entre Pilöt, Adam Kesher et You!, pour faire court et ne parler que des plus en vue à l’heure actuelle.