Fort d’un 1992 de belle tenue, The Big Crunch Theory inaugure donc les festivités dans une salle à peine remplie de moitié -une fois encore, que font les gens le soir??-, mais qu’à cela ne tienne, les trois filles et leur acolyte livrent une prestation appréciable bien que gentillette, un peu trop retenue après des débuts pourtant marqués par un morceau expérimental et gentiment dissonnant. Le côté pop prédomine et s’il est synonyme de joliesse, le show manque d’énergie. Il sera heureusement valorisé par des perles comme Arrows ou le sombre The Strangest heart in Romania, ou encore 637 et ses pulsations electro, 26 kids from the suburb ou Eye’s lies constituant également l’un des temps forts de la prestation. Et de façon globale, l’éclectisme du groupe plaide en sa faveur et ne nuit nullement à l’intérêt de sa performance, le chant de Lisa ajoutant à son attractivité.
On reste pourtant sur sa faim à l’issue de la bonne dizaine de chansons jouées, satisfaisantes mais qu’on aimerait voir se lâcher plus souvent et se défaire de ce penchant pop trop présent. Lisa, dont l’une des principales qualités est de magnifier tout ce à quoi elle contribue (voir ses collaborations avec French Cow Boy) et ses collègues en ont de toute évidence les possibilités, et livrent au final un set très correct mais perfectible, dont il faut toutefois souligner la complémentarité avec celui de The Pack AD dans le sens où ces dernières, nettement plus rock’n’roll, ont finalement fait ressortir l’intéressante opposition stylistique entre les deux formations, de nature à rendre la soirée plus intéressante encore, et à finalement valoriser la prestation de TBCT.
The Pack AD
The Pack AD
Jouant sans fioritures aucune, de façon compacte mais variée et extrêmement cohérente, la batteuse Maya et mon coup de coeur du soir, la chanteuse-guitariste Becky Black et ses airs de Joan Jett aussi involontairement charmante qu’encanaillée, au look irrésistible avec son t-shirt Carpenter Hurts so good, mettent littéralement le feu à la salle, un peu plus garnie et rapidement enthousiasmée. Les titres de We kill computers, dernier album en date, sont exécutés avec rage et conviction et les deux filles vivent leur set sans retenue, avec une belle maitrise, nous gratifiant en outre d’un panel rock’n’roll pensé, décliné selon plusieurs modes, parfait de bout en bout. Le jeu et l’humour de Maya, les poses de Becky et son jeu « défourailleur », ses poses rock naturelles et diablement attirantes, et l’évidente complicité du duo engendrent un concert à classer parmi les plus marquants vécus sur le quai Bélu.
The Pack AD
The Pack AD
Joué de cette façon, le rock’n’roll est des plus passionnants, cathartique aussi, et l’impeccable registre des intervenantes fait merveille, entre rock frontal, riffs bluesy tronçonnés avec talent, rythme souvent affirmé, déboulés incoercibles et approches plus modérées. Le tout sous couvert d’un esprit garage, et d’un chant offensif et séduisant, décisifs. Le titre de l’opus sorti chez Platinum est mis à l’honneur et les demoiselles font largement honneur à l’organique, toute trace d’élément synthétique étant bannie de leur univers. La fiabilité de la paire, façonné entre autres par un road-trip de 157 dates en 2009, à l’issue duquel l’album fut, très vite, enregistré, n’est plus à démontrer et il va désormais falloir compter avec The Pack AD, c’est une évidence après cette apparition incandescente. Les 1880, saccadé et porté par des riffs déments, c’est récurrent chez Becky, tout comme Big anvil et son blues malmené, ou autres Deer, pour n’en citer que trois, créditent grandement le duo, qui termine sur un rappel joué à toute berzingue pour laisser le public dans un état d’extase durable, et m’arracher ensuite un « very good gig, thanks a lot » à l’attention de Becky, postée sur le côté du bar, aussi sincère et enthousiaste que son remerciement et sa prestation avec la percutante Maya.
Photos Ludo Leleu.
Photo The Big Crunch Theory Amandine Kerro.