Jack of Heart
Suite à une première soirée Born Bad mémorable ayant réuni The Feeling of love, Magnetix et Frustration, le 106 nous offrait l’opportunité de prolonger le plaisir en invitant Cheveu, auteur d’un 1000 de haute volée, et les perpignanais de Jack of Heart.
Jack of Heart
L’idée était donc louable et le déroulement des opérations nous a permis de constater que l’étendue du registre musical lié aux formations du label de JB Wizzz, renversante, engendrait des sets sauvages, racés et atypiques, que Jack of Heart allait initier de la plus parfaite des manières.
Entre garage, joliesse sixties déjantée, énergie punk et longueurs psyché démentielles, le quatuor mené par Piero Illov, ex The Demon’s claws, groupe de Quebec au rock lui aussi caractériel, a fait ses preuves et même bien mieux, nous gratifiant au passage d’une reprise des Real Kids et de bourrasques sonores ahurissantes, dont la puissance cohabite sans conflit avec des passages plus doux.
Leur concert, varié et intense, a pris des airs de démonstration des genres, avec pour base un esprit garage bien assumé, et le public du superbe club du 106 -trop peu fourni au vu de l’évènement s’y tenant, allez comprendre pourquoi les gens, frileux dans l’esprit, peuvent rater cela- s’est rapidement et à juste titre emballé pour plébisciter un « band » qui nous montre qu’à Perpignan, la qualité n’est pas à dénicher de façon exclusive chez les Hushpuppies, dont l’intensité live fut ici égalée, voire dépassé, et la diversité mise sur le flanc par Jack of Heart. Ces derniers affichant une aisance, une fougue et des attitudes communicatives quel leque soit l’option musicale choisie, le tempo mis en place, et s’avérant digne des plus grands. L’intérêt né de l’album sorti en 2009 et des nombreux 45 T du groupe est décuplé, et on sent que les sudistes, forçats des tournées intensives et acclamés par quelques grands noms de la scène d’ici et d’ailleurs, n’ont finalement plus grand chose à prouver, si ce n’est leur capacité à durer dans le temps sur cette note élevée.
Cheveu
Ce sera sans nul doute le cas et à l’issue d’une fin très noisy, place pouvait être laissée à Cheveu, plus qu’attendu…et dont l’alliage entre mise en place carrée et approximation géniale, entre soubresauts lo-fi, electro sauvage, relents post-punk et voix loufoque du plus bel effet, assortis d’élans bluesy déglingués, a encore rehaussé d’un cran le niveau de la soirée.
Cheveu
Dans un style aussi éclaté, donc, mais parfaitement cohérent, que ses prédécesseurs, le trio a apporté la preuve définitive se sa particularité (il est maintenant établi qu’en notre pays, voire ailleurs, on n’en trouve pas un du même accabit) et de son statut d’artiste incontournable, précieux même, à l’esprit tournant le dos à toute forme de convention et d’ « obéissance » à la norme. Rythmes changeants, synthés aux partitions ingénieuses, guitares tout-terrain souvent mordantes et cordes occasionnelles mais entièrement addictives s’associent et engendrent un cocktail des plus improbables au départ, instigateur d’un genre encore peu usité et diablement psychotrope, et générant une forme de dépendance avérée.
Cheveu
On ne peut d’ailleurs dégager un ou plusieurs titres de cet ensemble aux défouraillages soniques impressionnants, qui s’ingurgite d’une traite et met en exergue une folié créatrice aux équivalents inexistants, et le bonheur d’entendre live la majeure partie des deux opus de Cheveu occulte toute autre forme de ressenti. L’essai au vocaux presque rap, Sensual drug abuse, passe lui aussi comme une lettre à la Poste au milieu de cette déferlante, Quattro stagioni en tête de file. Et passé ce moment de bravoure, force est de reconnaitre que chez Born Bad, et le 106, soulignons-le, a su l’exploiter, le potentiel est plus qu’élevé et mérite d’être investi au mieux, au son entre autres de ce Charlie Sheen à la fois guilleret en débridé, complètement obsessionnel, ou de ce Like a deer in the headlights dérangé comme on l’aime.
Cheveu
Les morceaux aux mêmes conséquences pourraient se nommer à la pelle, mais toute forme de description, même avisée et « approchante », ne peut bien sur se substituer à l’écoute et moins encore au vécu live, domaine dans lequel David Lemoine et ses collègues tiennent le haut du pavé. Et on quitte les lieux une fois de plus émerveillé, abasourdi, en attendant le prochain tour de passe-passe musical signé du 106 avec exemples choisis entre autres merveilles programmées, un festival Cool Soul de folie ou un Yann Tiersen qui viendra, le 15 avril et accompagné des géniaux Nestorsibianca, nous régaler de son magique Dust Lane.
Cheveu
Photos Olivier Chatelain.