Suite à la sortie de l’excellent The tragic tale of a genius, interview de la valeur montante du rock belge. Réponses par Xavier, bassiste, à l’exception de la question 8.
A la base le groupe était le projet solo de Redboy. Il enregistrait toutes ses idées sur un dictaphone. Quand il a fallu commencer à faire des concerts, il a fait circuler quelques cassettes audio sur lesquelles étaie inscrit « recorded on my little cheap dictaphone ». Ensuite le nom est resté.
On aime aussi beaucoup les méthodes d’enregistrements à l’ancienne, l’époque du tout analogique, la chaleur des enregistreurs à bandes etc. On est assez branché matos, enregistrements, travail de studio. On aime bien le travail de production.
2.Comment vous situez-vous dans la scène belge, déjà fournie avec, par exemple, les Deus, Venus, Soulwax et maintenant Joy? Y’a t-il au sein de cet ensemble une réelle unité?
La scène belge en tant que telle n’existe pas vraiment, hormis sa désignation géographique . Il y a vraiment de la place pour tout le monde.
Il y a beaucoup de groupes, mais chacun a sa propre identité.
Dans les groupes que tu cites, on les connaît pour avoir tourné avec eux à plusieurs occasions, les croiser à des festivals ce genre de choses.
Je pense à Ghinzu aussi, Das pop, Zita swoon, Black box Revelation, etc
On est assez proche humainement des groupes regroupés sous le collectif JauneOrange basé à Liège, car on en fait nous même partie et sommes entre autres à la base de sa création. Parmi ce collectif on retrouve Girls in Hawaii, Experimental Tropic Blues Band, Malibu Stacy,HPS, Piano Club, Dan San,..
3.D’où vous est venue l’idée d’un tel projet, concernant « The tragic tale of a genius »?
L’idée de base avec MLCD c’est d’exprimer et faire ressentir des émotions.
C’est ce qu’on fait depuis le début. Là avec le temps on a voulu y aller à fond et ne pas s’imposer de barrière de temps ou de moyen.
Très vite on s’est dit que pour aller plus loin ce serait intéressant de proposer un concept album où on pourrait développer une histoire de la première à la dernière chanson. Rentrer un peu plus profondeur dans un personnage. A l’époque on s’est penché sur le parcours de plusieurs artistes dont on est fan, Brian Wilson, Johnny Cash, Tom Waits etc.
On s’est inspiré de ces tranches de vies intenses pour les faire coller avec notre personnage.
Parallèlement à l’écriture des morceaux, des arrangements et des paroles, on a voulu insérer des vidéos pour illustrer l’histoire, puis l’élaboration d’un décor qui servirait aussi comme support de projection, puis à une scénographie, des costumes, un jeu de lumières…
On était très loin de s’imaginer l’ampleur et l’implication que ça allait demander.
4.N’avez-vous pas la crainte, en menant ce projet à terme, de rompre la continuité de votre discographie et, partant de là, de perdre certains de vos fans dans cette démarche?
Du 1er au 2ème album, on avait déjà opéré un virage dans la direction artistique. On aime se renouveler, en tant que musiciens, c’est très motivant de se lancer de nouveaux défis et de les relever.
Je pense que les fans qui nous suivent savent aussi que c’est en quelque sorte la patte du groupe.
Cet album est un peu une sorte de renouveau aussi pour nous. On a déjà incorporé un nouveau musicien pour l’élaboration de ce 3eme album. L’apport du clavier de manière permanente a considérablement enrichi notre approche mélodique et nous a permis de s’écarter du traditionnel Guitare basse batterie.
5.Quels ont été les obstacles liés à l’élaboration de l’album et du spectacle? Et que pensez-vous de l’accueil qui leur est pour le moment réservé?
Pour une fois on a justement essayé de supprimer tous les obstacles qui auraient pu nous empêcher de mener à bien le projet.
On a pris notre temps pour le travail de préprod et la production, on a auto-financé entièrement le projet, on a suivi chaque étape entièrement de A à Z.
Par contre on a eu pas mal de contraintes techniques pour le décor par exemple, on voulait qu’il soit présent, mais devait aussi conserver une dimension humaine pour entre autre pouvoir l’embarquer dans un van avec tout le matériel. Le décor a changé pas mal de fois avant de trouver sa forme finale. Pas mal de questions techniques pour la projection vidéo sont aussi entrée dans l’équation. Mais nous avons trouvé une équipe technique qui nous a permis de mettre sur pied et rendre possible ce qu’on voulait faire.
6.L’apport des collaborations est de toute évidence conséquent, et le choix de celles-ci judicieux. J’imagine qu’il s’agit là de l’un de vos atouts déterminants dans le travail?
Pour les projections on a travaillé avec une équipe de jeunes vidéastes de Bruxelles, Eve Martin et Nico Bueno de »Bubble Duchesse » qu’on connaissait d’avant, pour avoir notamment réaliser un clip de Hollywood Porn stars.
Ils se sont vraiment impliqué corps et âmes avec nous dans le projet. On s’ est vu toutes les semaines pendant un an pour faire le point sur l’histoire, ce qu’il serait intéressant de montrer, à quels moments du spectacle faire intervenir les séquences, définir le style graphique etc.
Ils sont clairement partie prenante dans l’élaboration graphique de l’imagerie de « Tragic Tale of A genius ».
Ce coté sombre et noir un peu 50’s, tout en silhouette et en suggestion.
Pareil pour la scénographe Catherine Cosme qui a élaboré le décor, elle a proposé plusieurs versions de décor et était vraiment à l’écoute de ce qu’on demandait et des contraintes que ca impliquait au niveau de la réalisation du décor à proprement parler qui a été confiée à Gaspard Berlier.
7.Pouvez-vous nous éclairer sur le choix de ces personnes, particulièrement prisées dans le monde rock?
Dans l’élaboration des textes, à plusieurs moments, il ya des « personnages extérieurs » qui entrent en scène, la conscience du personnage, ses démons intérieurs, le diable etc.
On s’est dit que ce serait l’occasion de demander à des chanteurs extérieurs si ils accepteraient de se prêter au jeu.
On a établi une liste de plusieurs chanteurs dont on est fan et on a envoyé un mail avec le morceau qu’on leur destinait et leur expliquant le concept de l’album. Et les 3 premières personnes sur la liste on répondu directement ok.
On a pensé que la voix un peu rêveuse de Johnathan Donahue se prêterait bien à What are you waiting for. Quand on a reçu les tracks de chants on était ravis.
On a beaucoup écouté The black heart procession et on est fan de la voix très typée et habitée de Pall Jenkins . On l’imaginait bien en démon intérieur. On a rajouté des reverbs à l’effet un peu fantomatiques pour renforcer ce coté là.
Pour Ralph Mulder de Alamo Race track, on l’avait croisé à plusieurs reprises lors de concerts et on a enregistré l’album avec leur producteur dans le même studio qu’eux. On l’a invité à chanter sur des morceaux ou sa voix fragile et mélancolique incarne l’esprit parfois plus fragile du personnage.
8.Vous sentez-vous, à l’image du personnage mis en scène dans votre opéra pop moderne, « perdus entre rêve et réalité »?
Absolument! (réponse de Redboy, chant)
9.Me contredirez-vous si je vous dis qu’il y a, dans ce disque, un dimension émotionnelle très forte?
C’est un peu le dénominateur commun de tous nos disques, les émotions.
Sur cet album, c’est en effet une des tendances dominantes.
C’est peut -être encore plus fort en Live. Le but est d’incarner le personnage le plus fidèlement possible par rapport à l’histoire.
Il passe par tellement d’étapes marquantes que forcément ca se ressent sur scène.
10.Comment vous sentez-vous chez A(t) home, connu pour sa pluralité stylistique?
On a directement senti un esprit d’ouverture chez At(h)ome.
Il était important pour nous que les partenaires qui se lancent dans l’aventure comprennent qu’il ne s’agit pas que d’un simple disque mais de tout un concept et que le projet soit défendu dans son intégralité et avec passion. On a ressenti un très grand soutien de toute l’équipe derrière le projet dès le départ, et on sait qu’il défendent très bien le concept.
11.Avez-vous déjà des idées en tête pour la suite de vos travaux? L’album et le spectacle proposé étant de taille, j’imagine que l’attente autour de vos productions va s’accroitre…
On va commencer à s’atteler à la création de nouveaux morceaux. Il est encore un peu tôt pour dégager un fil conducteur, mais on est très excité à l’idée de rentrer dans un nouveau processus créatif.
On ne ressent pas encore trop de pressions à l’heure actuelle, on en est toujours à la phase de concerts et on va encore continuer à défendre le projet en live durant encore un an.
12.Si on se penche sur vos premiers albums, quel regard portez-vous sur leur contenu à l’heure actuelle?
On est content des albums précédents. On a toujours fait le meilleur album possible au moment ou on le réalisait.
C’est sur qu’avec le temps on aurait tendance à vouloir changer et/ou améliorer certaines choses. Mais tout cela fait partie d’un processus de maturation musicale. Sans ces albums on n’en serait pas là aujourd’hui.
On a récemment fait des concerts où on rejoue des morceaux des anciens albums. Ca devait faire 4 ans que nous n’avions plus joué ces morceaux et c’était un vrai plaisir de les « redécouvrir » avec nos oreilles d’aujourd’hui.