Sa noise lettrée, plus crue encore et qui cite Debord sur un premier titre, Perquisition, imparable et bien breaké, fait mouche et frappe là où ça fait mal, en imposant quelques accalmies bien senties (Grande survie et son arrière-plan tendu). On y décèle des bribes du Noir Désir le plus bouillant qui soit, celui de Tostaky, combiné aux instants retenus d’un Des visages, des figures, et l’urgence de Virago, et des bribes de musique arabe demeurent ça et là, entre autres sur ce morceau, étoffant le discours du groupe de superbe manière.
Gabes le soir (Maribor le matin) reprend Lame de fond de l’album évoqué plus haut, et met l’auditeur dans les cordes par le biais de son énergie incoercible, rythmée, et d’une pluralité vocale détonnante. L’Enfance Rouge puise ses idées aux quatre coins du globe et son univers, bouillant et ethnique, lui permet la plus aboutie et la plus fiévreuse des mises en son.
Et quand débute Vengadores, auparavant nommé Vendicatori, cette force de frappe retenue, qu’on sent sur le point d’imploser et qui régale son Monde d’excès délectables, on ne s’étonne guère d’entendre, en lieu et place des flutes et chants arabes du titre d’origine, la voix de Cantat et les paroles de Tostaky, samplées et se trouvant être parfaitement en phase avec le ton du morceau. Les choix du trio où officie François Cambuzat (le frère d’Amaury d’Ulan Bator, vous comprendrez aisément, de ce fait, l’orientation sauvage et insoumise de l’Enfance Rouge) sont judicieux, parfaitement ajustés, le dosage entre impact sonique et plages mesurées exemplaire, et ce disque pourrait, en dépit de l’ attitude discrète discrète du groupe, loin de tout esprit mercantile, placer le groupe à un niveau plus élevé encore.
Wa ana lastou ouroubyyan, saccadé et balafré par des riffs noise secs, prolonge l’effet d’addiction engendré par l’ensemble, Chiara Locardi et Jacopo Andreini (basse-voix pour la première, batterie-cuivres pour le second) affichant eux aussi une verve de tous les instants et une complémentarité, depuis longtemps affinée, avec François. Et Jadransko More, « anciennement » Ras el amar, débute de façon bridée pour ensuite exploser sous les coups d’une guitare furibarde, le chant de Chiara, proche en certaines occasions de celui de Sasha Andres d’Heliogabale, étant d’un certain apport, allié à une trame entre finesse menaçante et embardées sonores jouissives.
La première option prédomine sur l’intro de Nada.nothing.niente.garnicht.rien, relevé par le chant rageur du sieur Cambuzat et des six-cordes torturées. La rythmique, entre basse charnelle et batterie en cascades, n’étant bien évidemment nullement en reste, et impulsant un seconde partie remontée elle aussi au sommet.
Et pour conclure, Merde nous sommes presque morts et son texte une fois de plus génial, couplé à cette instrumentation caractérielle, tranchante et sans fard aucun, met fin à ces relectures méconnaissables, magistrales, des « vieux » morceaux de la clique itinérante, que je place pour ma part au sommet de l’édifice rock français et d’ailleurs, tant par le contenu que dans son attitude ouverte, basé sur l’errance génératrice d’une inspiration de plus en plus porteuse.