Oh la la!
Tout comme au temps d’AS Dragon, Natacha et son jeu de scène mettent le feu aux planches, ses musiciens, dont un guitariste lui aussi haut en couleurs, l’épaulant impeccablement. Le tout premier album est joué intégralement, fait d’un rock tranchant, chanté en Français, aux soubresauts funky occasionnels amenés par la guitare, et étoffé par un clavier discret dont les interventions s’avèrent judicieuses et attrayantes. De titres posés et ironiques (Rendez-vous avec un salaud) en tubes impossibles à se chasser de l’esprit (Goodbye Superman, Osez et ses claviers, justement, guillerets, en spirale), pour enchainer avec d’implacables rock (Paris ne t’aime pas et ses riffs sévères) et un Oser à l’intro façon 69 d’Armand Gonzales et Virginie Peitavi), sans parler de Nu dans ton jean, tout aussi énorme, ou de ce génialement tendancieux Un poing c’est tout, chanté sur l’album avec Philippe Katerine) et mettant en exergue la prestance du leader féminin d’Oh la la!.
Oh la la!
Oh la la!
La tigresse, plus qu’en verve, gratifie l’assistance de danses et de poses dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles attirent le regard et l’attention, et portent vers les sommets la prestation du soir. Le tout agrémenté d’une rudesse rock bienvenue, tout en gardant le groove décisif qui distingue la plupart des morceaux. On pense à des Rita Mitsouko, comme justement inscrit sur l’opus, endiablés, plus mordants qu’à l’habitude, et les morceaux en Anglais (Not in the mood et ses séquences electro, par exemple, Tomorrow et ses ouvertures electro-funk) viennent s’ajouter aux temps forts signés d’une formation avec laquelle il va falloir de toute évidence compter, ce qui n’étonne guère compte tenu de la présence de l’ex vocaliste de Spanked et Va chercher la police, les deux disques laissés derrière lui par AS Dragon, et de la cohérence trouvée avec ses deux complices.
On ajoutera à cela Relax et de façon générale une intensité, une tension rock parfaitement combinés aux nuances apportées par le groupe à ses compositions, toutes probantes, et, dans le rayon puissance débridée, Really nothing et ses voix associées, uppercut sonore génial, Carmen et sa dualité guitare/synthés alliée à la voix vindicative de Natacha. Et on obtiendra, à la fin de cette apparition ayant tenu toutes ses promesses, un des meilleurs moments passés sur le Quai Bélu. Un grand merci donc à la dame Le Jeune, irrésistible, inégalable et que je plaçais personnellement sur le podium de mes rendez-vous live, mes attentes, et par extension celles de l’assistance picarde (assez peu fournie, allez comprendre…) se voyant largement récompensées.
Pour compléter ce moment de folie, Poney Express, fort lui aussi d’un premier opus complet, investit la scène et livre, à l’instar d’Oh la la!, un set « solidissime », animé des mêmes atouts, dans une veine plus classiquement pop-rock peut-être, mais tout aussi probante. La surprise d’une pop-rock en Français aussi consistante, aussi intense dans les conditions du live, est de taille, et Anna Berthe et ses collègues, dont un exceptionnel Robin Feix à la basse, aux attitudes scéniques mémorables, offrent un gig aux fulgurances décisives (la fin de Genesis, une reprise/surprise, au délire spatio-noise dément, de…Manureva d’Alain Chamfort, choix étonnant et diablement judicieux à l’écoute du résultat obtenu).
Les synthés de Michaël Garçon, aux effluves 80’s délectables (Dans l’arène, entre autres plages magistralement jouées), injectent un élément marquant supplémentaire et viennent parfaire et intensifier le concert, de même que les guitares d’Anna, convaincantes dans leur moments d’emportement comme dans leur élans modérés. Gérard Gacoin se chargeant lui de cimenter le tout par le biais de sa frappe infaillible, l’excellence des chansons du groupe faisant le reste, interprétées avec classe et talent. On tient là, on peut déjà le dire, un espoir déjà confirmé de la scène hexagonale, dont les titres posés (un superbe Brest) font mouche de la même façon que les morceaux taillés dans un rock vivace, singulier dans le sens où il fait cohabiter actualité et références aux 80’s (A la dérive). Un côté rêveur lui aussi enthousiasmant émane des claviers de Michaël, par ailleurs lui aussi ex-membre d’AS Dragon, ce qui explique partiellement l’excellence atteinte par les protégés du label Atmosphériques et fait apparaitre une filiation avec Oh la la!.
Une inspiration pop constante est à relever (Comme un Zombie ou Des roses) et on se réjouit de tenir en ce groupe une « bande » capable d’oeuvrer dans notre langue avec, au bout du compte, un contenu irréprochable. Et un concert de haut niveau, aussi abouti que rassurant quant à la possibilité, à mon sens trop éparse eu égard au nombre réduit de groupes compétents pour ça, de parvenir au meilleur en usant du Français dans le chant.
Photos Lucile Emma.