L’entrée en matière présage donc d’un contenu enthousiasmant, doté de climats de nature à retenir l’attention, ce que fait Why did we have to part, fait d’un rock retenu, dont la mélodie fut signée par…Laurent Voulzy. Passé cette surprise de taille, l’élégante Marianne se love dans une atmosphère posée, à peine troublée par une batterie éparse, sur That’s how every empire falls, avant, sur un No reason agité, taillé dans une soul malmenée par des bribes rock impétueuses, de parfaire son oeuvre et de rassurer un auditoire non pas circonspect, mais plutôt craintif, au vu de la longévité de la dame, d’un certain essoufflement.
Seule cette tendance à verser dans des styles éclatés pourrait d’ailleurs altérer l’intérêt qu’engendre Horses and high heels, à nouveau valorisé par la country-folk de Prussian Blue, rythmée, sobre, sur laquelle la voix de cette légende au talent intact fait de nouveau merveille.
S’ensuit Love song, reprise de Lesley Duncan, presqu’à nu, aux doux motifs de guitare, la trame soul qu’affectionne cette fumeuse invétérée, dont il se dit que ces abus auraient pour effet de porter atteinte à son organe vocal, reprenant ses droits à l’occasion de Gee baby, coloré par des cuivres discrets.
On le comprendra aisément; cet album, le vingt-troisième de l’artiste concernée, n’offre que peu de failles et s’il ne révolutionnera pas sa carrière, il en étoffe au moins la suite avec un beau panache. Et si la lassitude peut gagner à l’écoute des morceaux apaisés décelables ici (Goin’ back), leur teneur permet de ne jamais décrocher, à l’image d’ailleurs de l’ornement plutôt vif de ce dernier. C’est aussi le cas de Past, present and future, fragile, délicat, porteur de cordes inquiétantes, ou de l’éponyme Horses and high heels, animé par une batterie bien présente en dépit de son côté effacé, et on se rend compte qu’en s’en tenant à une belle sobriété dans l’étayage de ses compos, Faithfull parvient à un résultat probant. La belle envolée guitaristique de ce titre, seul moment un tant soit peu « audacieux » qui y soit lié, attestant de cela de façon paradoxale.
On en arrive alors à la fin de l’album et ce trio terminal inauguré par un Back in baby’s arms orné par la guitare de…Lou Reed, acidulée, aventureuse, et des élans gospel judicieux. Ceci avant un Eternity plus exotique, aux choeurs dont la seule présence suffit à en faire un must, et dont l’énergie pop-rock amène un plus à la grosse dizaine de titres du disque. Celle-ci prenant fin sur The old house, aux tendances orchestrales jamais excessives, balafrées par une guitare ici encore offensive, qui vient valider un constat selon lequel Marianne Faithfull préserve, plus de quarante ans après un premier album datant si je ne m’abuse de 1965, un talent inoxydable.
Très bon disque donc, cohérent et d’une belle unité en dépit d’une pluralité stylistique assumée et revendiquée.