Asso locale récemment réactivée et ayant pour but de fédérer les talents issus de la région sous la forme d’aides diverses et régulières (soirées, booking, aide administrative ou résidences, pour faire court..), Amiens Burning organisait en ce samedi 5 février son troisième évènement marquant de la saison, bénéficiant pour cela des installations de la Lune des Pirates, dans le prolongement des concerts accueillis par un Lucullus certes emblématique, mais devenu un peu exigu au regard de la foule conséquente que drainent les activités de l’association.
Ce public jeune et enthousiaste était au rendez-vous de ce samedi à ne pas rater, l’affiche, constituée des Sobo, jeune groupe amienois oeuvrant dans le créneau cold-wave/post-punk, des désormais très prisés Beyonders, à l’électro-rock immanquablement accrocheur, et en « vedette » d’ I am un chien !!, trio parisien à la base électro-rock, mais au spectre musical bien plus étendu servi par une énergie décoiffante, ayant il est vrai de quoi attirer un maximum d’amateurs.
Sobo
C’est aux Sobo que revenait donc la tache d’introduire les festivités, ce qu’ils font par le biais de morceaux encore influencés en dépit des aptitudes décelées chez le groupe. Les goûts et écoutes du quintet picard transparaissent (la vague cold et post-punk des early 80’s [le Killing Joke de Love like blood ou Eighties], plus Foals et Horrors, en tête) et si elles sont bien évidemment louables, on attend des Sobo qu’ils creusent leur démarche d’individualisation d’une palette stylistique attrayante, et se détachent de ces noms dont les intitulés appellent forcément très vite à insuffler dans les compos ce surplus de créativité qui fait la différence et permet aux formations encore « vertes » d’avancer de façon conséquente. Sobo, à la marge de progression évidente, affiche d’ailleurs en certaines occasions les qualités nécessaires, dans le contenu, à mener à bien cette nécessaire évolution, le poids logique des influences n’empêchant nullement les bonnes idées et une certaine cohérence dans la construction. Et comme le furent, en leur temps, les figures « du coin » ayant pour nom Molly’s ou Beyonders, ou encore Oregone, les Sobo en sont aux débuts d’un parcours exigeant, que le temps, l’investigation collective, la passion et la pertinence dans les orientations parferont à l’avenir. Des titres entendus ce soir-là fusent d’ailleurs quelques promesses à retenir (Tommy tommy, par exemple, et sa mélancolie joliment mise en son, assortie d’une inventivité sonore de bon aloi, doublée de voix samplées bienvenues, ou Space time et ses vagues synthétiques probantes, d’ailleurs bientôt amenés à sortir de pair en single). Au carrefour des genres, et devant un parterre fourni issu de l’entourage direct du groupe, une énergie et une personnalité à exploiter et à parachever, déjà pas mal maitrisées sur le plan scénique.
Beyonders
Suite à cela, les Beyonders, aux cinq ans d’expérience à la portée, depuis quelques temps, audible et conséquente, déboulent et, forts de titres sans failles et porteurs de cette belle identité qu’on ne peut que leur reconnaitre, font valoir une cohésion affirmée, dans cette mouvance électro-rock parfois gentiment cold, représentative d’un univers de plus en plus affranchi des influences initiales des quatre garçons. Ceux-ci investissent la scène avec aisance et s’appuient sur un arsenal convaincant, entre voix associées ou se répondant, nappes de claviers entêtantes, aux motifs ingénieux, batterie chaméléon au diapason de l’ensemble et basse groovy charpentant le tout sans faiblir.
Beyonders
Les titres du dernier EP notamment, après une intro énergique et inspirée nommée W, aux breaks judicieux, font mouche de façon plus perceptible, plus profitable encore que sur support disque, le duo Antoine Agricola/Babak Taghavi assurant le show comme des pros, solidement épaulés par Lucas Gros à la basse et Mathieu Lavoisier derrière les futs.
Beyonders
Entre NB43, lui aussi admirablement nuancé, équilibré entre plages modérées et énergie débridée, Curry culum et son motif de guitare imparable, qui évoque aux dires du groupe un « gars avec une chemise à carreaux », un allant communicatif et une pléthore de bonnes idées illustrées entre autres par Optima wash system, les Beyonders prennent sur les planches une envergure qui laisse augurer du meilleur. Et Back up, parfait complément de ce Optima wash system sur le « single à la disquette » des amienois, étoffe leur palette avec une efficacité redoutable tout en marquant une avancée exemplaire, depuis les débuts très british du groupe et un investissement de la scène qui, depuis, n’a fait que croitre au point de devenir l’un des points forts du groupe, allié à ce brio dans l’exécution et cette intelligence dans le cheminement.
Une apparition remarquable, donc, et remarquée, pour ensuite laisser la place au I Am Un Chien !! de David Fontao et Douglas Cavanna. Le combo parisien, à la vigueur débordante, signe une prestation puissante, digne d’intérêt malgré ce recours trop systématique à l’impact sonique. L’enchainement de morceaux chaotiques et saccadés, au son volontairement non-dégrossi, emporte l’adhésion d’un public amienois que l’on sait réceptif aux travaux d’I Am Un Chien. Ces derniers se situent à juste titre entre The Prodigy, pour cette force de frappe electro-rock, et le côté vindicatif de Rage Against The Machine, dont ils réalisent un amalgame personnel. Monopolize, massif et alerte, représente fort bien la fougue et l’intensité live du groupe, de même que Don’t shoot my little baby ou Hologram et ses riffs acérés, José, le frère de David et chanteur de Stuck in the Sound, poussant la chansonnette, en cette occasion, avec brio.
Les parisiens ont en outre le bon goût de nuancer brièvement leur propos, sur un All my life plus léger, pour faire respirer un ensemble dont la teneur pourrait lasser les moins endurants des quidams présents. Qu’importe, l’assistance est conquise et acquise à la cause des Franciliens, reconnaissants et dont l’avancée met de toute évidence « sur le flan » nombre de salles hexagonales, même si l’adjonction de plages plus posées en nombre accru crédibiliserait à mon sens d’autant plus le contenu.
I Am Chien
Ce Amiens Burning # 3 aura donc accouché, pour le coup, d’une belle réussite globale, tant humaine que musicale, et confirmé le bon « redémarrage » de l’association. En attendant la déroulement du même type d’évènement dans d’autres salles régionales de même renommée.
I Am Chien
Photos Lucile Emma.