Il s’agissait en outre de Zenzile, groupe dub-rock (l’appellation semble réductrice tant le spectre musical du groupe, maitrisé de bout en bout, se veut large, ouvert et pertinent) angevin incontournable dont la discographie inspire à elle seule le respect. Le spectacle proposé tait donc périlleux, certes, l’exercice d’adaptation musicale d’un film n’étant jamais aisée, mais on sait les ressortissants du Maine et Loire assez doués pour mener l’expérience à bien, leur choix se portant, ce film référentiel en ressortant, c’est dire la portée du moment, doté d’une véritable seconde vie, sur « Le cabinet du docteur Caligari« , de Robert Wiene, muet et datant de 1919.
Subtil, constamment judicieux dans ses trames accompagnatrices, le quintet est parvenu à captiver les spectateurs du soir, réunis -là encore le phénomène est louable et fédérateur- en une entité incluant passionnés de cinéma, amateurs de musique et, pour résumer l’esprit général, ouverture d’esprit nécessaire et appréciable. De plages atmosphériques finement conçues en attaques plus mordantes initiées par la batterie, en incluant une basse chaméléon groovy et des claviers aux envolées spatiales enivrantes, Zenzile nous a gratifiés d’un moment hautement émotionnel, de ceux qui engendrent une succession de « loopings émotifs » dont la survenue incite à réitérer l’expérience au plus vite (je ne saurai, en ce sens, que trop vous conseiller le ciné-concert des Sleeppers, icône noise bordelaise, à Thourotte, le 4 février, sur le thème cette fois de Docteur Jekyll and mister Hyde).
Souvent minimal, sans excès superflus et d’une intensité étonnante, le projet s’est donc avéré être une superbe réussite, soulevant des applaudissements nourris, des exclamations trahissant une belle admiration face au travail fourni et le ressenti ému, touchant, d’organisateurs dont il convient ici de saluer l’initiative tout en les encourageant à renouveler l’idée. Le groupe se montrant de plus disponible, d’une modestie à toute épreuve, ce qui n’a fait que parfaire la soirée, dont nous ressortîmes avec la sensation d’un vécu unique, alliant son et image au gré des phrasés dub, rock ou légèrement jazzy, célestes ou plus enlevés, des musiciens. L’atmosphère qui régnait à l’issue de cette belle heure et quart de magie et d’ingéniosité incitant à flâner en un lieu dont on espère qu’il accueillera derechef ce style de représentation.
Un évènement marquant, donc, frappé du sceau de la classe et du talent d’artistes, le mot prend ici tout son sens, à la démarche exemplaire, éloignée des conventions entravantes et basée sur le plaisir, l’échange et la prise de risques, couronnée en l’occurrence d’une éclatante réussite.