Cette fois, c’était le sympathique bar circulaire de l’Ouvre-Boite qui allait servir de lieu d’accueil à un concert mémorable, exécuté devant une assistance une fois encore, on peut le déplorer vu la qualité offerte ce soir-là, trop peu fournie, mais réceptive, on la comprendra aisément, au set de ces deux artistes brillants.
C’est donc Hey Hey My My, formation parisienne ainsi nommée en hommage à Neil Young, qui ouvre le bal et livre une superbe collection de morceaux oscillant entre folk, power-pop et pop-rock, le tout sans perdre un instant en qualité, passant avec le plus grand naturel de plages apaisées à des envolées rock de haute volée. Entre titres d’un premier opus ouvertement folk, superbe carte de visite, et chansons de l’excellent et bien nommé A sudden change of mood, Hey Hey My My a livré sur les planches isariennes une prestation de choix, en dépit d’une impression parfois étrange liée au fait que chacun, au sein du groupe, semblait s’appliquer, dans son coin, à assurer sa partie sans communiquer outre-mesure.
Qu’à cela ne tienne, aucun faux-pas ne fut à relever au sein de ces morceaux dont pas un ne souffre la moindre critique négative et qui, en live, prennent une envergure supplémentaire. Et le groupe, s’il se libère et affiche à l’avenir un peu plus d’ « exubérance », trouvera de façon légitime la place qui lui échoit sur l’échiquier rock hexagonal. Ce qui ne serait que pure logique au vu d’une part du niveau élevé de son répertoire, et d’autre part de la fiabilité de sa sortie du soir, malgré ce côté timoré qui à l’arrivée nuit très peu à l’excellent sentiment qui se dégage de leur live.
Après un entracte passé à converser avec Stéphane Charasse, alias Boogers, ce dernier allait débarquer par surprise…en trottinette et sac à dos de globe-trotter, devant un public médusé et qui allait à partir de cet instant vivre l’un de ses moments les plus intenses et exaltants, à mon humble avis, de ses temps de loisirs rock.
Boogers
Après une introduction basée sur un chant en solo à base de « lalalala », perché sur un petit ampli et blaguant sur l’inefficacité de cette entrée en matière pourtant géniale et singulière, l’auteur de deux albums dont un formidable As clean as possible paru chez At(h)ome se met à l’ouvrage, armé d’une multitude de chansons mémorables et d’un humour irrésistible, et envoûte autant qu’il amuse la petite centaine de personnes présentes ce soir-là. Entre les tubes d’As clean as possible et deux reprises détonantes et inventives (un Creep de Radiohead joué accroupi devant un petit clavier, superbe, puis un Get up, stand up! de Bob Marley joué à la sauce noise, tout aussi mémorable), qu’étayent donc Anywhere, le Beckien I lost my lungs, le riffant Talk to Charlie ou I wanna do it now, digne du The Notwist de Pilot dans ses parties electro et doté de fulgurances rock jouissives et décisives, entre autres titres phare issus d’une série qui ne compte d’ailleurs que ça, le tourangeau, pote des Portobello Bones qu’il considère comme ses « grands frères » (le bonhomme, en plus d’un talent énorme, a de plus bon goût), conquiert et met sans sa poche un public, dont ma « complice » aux photos et moi-même, ayant l’impression d’assister à la fois à un superbe concert rock avec trois fois rien, en termes de moyens déployés, si ce n’est de la passion, de la dérision, de la modestie et une pelletée d’idées merveilleuses, et à un one-man show délectable allant de pair avec cette prestation dont le souvenir n’est pas prêt, loin s’en faut, de s’estomper.
Superbe leçon donnée aux groupes s’appuyant sur une artillerie lourde, ce concert fut donc exemplaire tant dans les chansons jouées, toutes de haute tenue et en appelant à un éventail musical large et maitrisé, aussi intense dans ses moments mordants qu’enjôleur dans ses parties mélodiques, que dans sa tendance à mêler l’humain et le musical. Et tout comme les Hey Hey My My, Boogers mérite de toute évidence d’accéder à un statut bien plus reconnu, et nous a offert lors de cette soirée la « Perfect week« , comme le dit l’un des titres d’As clean as possible, et l’un des moments les plus marquants de nos carrières d’écumeurs de salles.
Entre Beck, Weezer et Supergrass, pour situer de façon approximative, avec une grande louche de pop-rock noisy et mélodique à la Grandaddy, le tout doté de touches electro savoureuses et bien distillées et d’une personnalité diablement attachante, un artiste, et une sortie, que je place sans hésiter, concernant l’année en cours, sur la première marche de mon « podium musical ». Et que je vous encourage à découvrir tout affaire cessante, sur disque et sur scène où vous pouvez d’ores et déjà vous attendre à passer un moment indélébile.
Photos Lucile Emma