Nathaniel Isaac Smog
Cinq formations issues du territoire picard, donc, se sont succédées, les amienois de Nathaniel Isaac Smog inaugurant avec brio, par le biais d’une pop sensible et raffinée à la Radiohead, jamais exempte d’envolées plus rageuses et ornée d’une flute traversière gracile, cette soirée décisive. Auteur d’un superbe set, à mon sens le plus marquant du jour, Baptiste Okala et ses acolytes ont démontré, si besoin était, un potentiel, et une maitrise, digne des « grands ». Il ne manquait plus à cette prestation qu’un morceau réellement débridé, qui aurait parfait leur apparition, mais ne boudons pas notre plaisir; ici et comme à Abbeville deux jours après, voir N.I.S. est et demeure un moment de pur bonheur et d’extase sonore. En atteste un récent article dans les Inrockuptibles, preuve que le talent du groupe commence à éclore et faire parler…et écrire. Magnifique concert donc, qui appelle une suite non-moins probante.
Nathaniel Isaac Smog
C’est ensuite le « régional » de l’étape, Dogma, qui allait prendre le relais, et assurer lui aussi une sortie de qualité, bien équilibrée entre rage rock, en l’occurence dominante, et plages plus poppy. La puissance du groupe, mais aussi son inspiration quant à l’écriture et la composition de morceaux de choix, qui tendent peu à peu à se détacher de leurs influences, laissent présager de capacités de taille, d’autant plus que Dogma compte déjà à son actif un album singulier. Et cette sélection confirme les espoirs qu’on peut placer dans ce trio cohérent, à suivre donc de près et à ne pas rater lorsqu’il se produit dans nos contrées.
Dogma
Place ensuite à Twin Twisters, duo composé de l’ancienne rythmique d’Eiffel et pratiquant un rock à la Jon Spencer percutant, qu’il n’oublie jamais de nuancer à bon escient, et dont la cohérence (on sent que la paire se connait et oeuvre ensemble depuis un certain temps), ainsi que la qualité des compos, brutes et sans fioritures, plaident incontestablement en sa faveur. On sent la « présence » du sieur Spencer et des Cramps, certes, mais les Twin Twisters disposent du talent nécessaire à assimiler leurs goûts, d’ailleurs imprenables, et l’ont prouvé ce soir-là, entre les poses et les mimiques marquantes d’Hugo (guitare-chant) et la prestance de Christophe (batterie), auteurs par ailleurs d’un premier album bientôt disponible, lui aussi sans « manières » superflues et porteur de son lot de morceaux probants. Une apparition elle aussi aboutie, donc, dont j’imagine qu’elle mettra le jury dans l’embarras au moment du choix final.
Twin Twisters
C’est ensuite Turnsteak, duo oeuvrant dans une veine « Electro glitch step », qui allait…lasser quelque peu, la faute à un set trop massif et sans répit, aux bribes musicales certes diverses et parfois bien choisies, mais dont la cohabitation, l’association, laissent à désirer. Et la demi-heure livrée par Dams et Fiskou, si elle ravit la partie du public amatrice de son style, demande de toute évidence un peu plus de modération, une réflexion quant au contenu et à la façon d’aborder le live. Il est bon de faire preuve d’ouverture, d’audace dans la juxtaposition de phrasés musicaux variés, mais Turnsteak, non dénué de qualités, c’est une évidence, gagnerait à faire souffler son répertoire, à l’aérer quelque peu.
Turnsteak
Pour finir, c’est à The Name, duo composé de David Monet (claviers-chant) et Jocelyn Soler, qu’incombait la tache de clôturer ces auditions picardes, ce qu’il fit…en demi-teinte, pêchant, il ne s’agit là que de mon humble avis et d’aucuns diront que cela ne dénature pas la paire, par la rareté du chant, dont l’apport est indéniable, et une orientation trop souvent « club », portée par des morceaux dont on sent qu’avec un étayage différent, plus chanté donc, et moins systématique, ils seraient tout bonnement excellents. On tape du pied certes, et l’hydre musical qu’est The Name concocte des rythmes cinglants et changeants, dont la portée, lors d’un showcase à la Fnac d’Amiens, fut selon moi phénoménale, mais David et Jocelyn, qui enthousiasment souvent un public acquis à leur cause, sont à leur apogée dans le registre chanté, qui leur apporte un plus primordial et évite une forme de redite qui dessert, au final, un registre pourtant fiable et performant.
The Name
Il n’en reste pas moins que ces auditions picardes d’un évènement déterminant quant à l’avènement d’artistes novateurs et à mettre forcément en avant furent globalement très plaisantes, et mériteraient de se tenir devant un public plus fourni encore, tant les artistes sélectionnés valent le déplacement.
Photos Lucile Emma