En prélude à la sortie d’un nouvel album d’ULAN BATOR, et en marge de ses nombreuses activités, tant au sein de son label ACID COBRA RECORDS, basé à Londres, qu’avec les légendaires FAUST ou encore CHAOS PHYSIQUE, interview d’un routard du rock à l’expérience de taille.
1.Tout d’abord et avec le -petit- recul d’avec sa sortie, que ressens-tu à l’écoute de « Tohu-Bohu »?
Je suis globalement satisfait du résultat. Je pense que c’est un bon album pour Ulan Bator dans lequel on retrouve la formule des débuts du groupe : improvisations, enregistrement des bases instrumentales puis, dans un second temps, l’écriture des textes ainsi que l’enregistrement des voix.
C’est un disque assez direct, punk presque. Nous avons enregistré sur bandes les bases « live » en studio et en cinq jours puis, après une bonne et longue pause, les voix puis un mixage rapide dans la foulée. J’aime beaucoup cette manière de travailler : Très instinctive et fraîche.
2. On perçoit une couleur générale assez « french 90 ‘s » sur ce nouvel opus. Te sens définitivement inspiré par cette époque vis à vis de laquelle tu serais en quelque sorte « redevable »?
Nous avons démarré en 93 donc je ne sais pas si tu parles de la scène de l’époque dont nous faisions partie ou bien d’une scène qui aurait précédée à celle-ci ?
Je crois simplement que plus tu avances et plus tu reviens à tes premières influences : PIL, Pere Ubu, Wire, Pop Group, dna, Teenage Jesus, Swell Maps, Stooges, etc. En fait je suis plutôt 70’s voir même 80’s.
Il est difficile d’avoir la même fascination pour un groupe qui sort aujourd’hui. Je ressent encore cela aujourd’hui quand j’écoute des groupes comme Animal collective ou bien encore les Liars. Sinon, j’ai souvent l’impression que les choses se répètent.
Pour en revenir à cette scène des années 90 en France, il y avait des choses vraiment intéressantes autour de nous : les Deity Guns, Sister Iodine, Sun Plexus, Hint, Kill the thrill, etc. mais cela a malheureusement intéressé trop peu de gens. C’était vraiment galère de trouver des dates à l’époque. Les groupes français étaient encore trop souvent snobés et sous-estimés par les médias de l’époque.
3. L’utilisation du Français ne dénote aucunement; au contraire, on se réjouit de l’arrivée dans les bacs d’un disque chanté dans cette langue et d’un niveau aussi élevé. Y’a t-il selon toi une « démarche » ou des prérequis pour « faire passer » le chant en Français?
C’est la grande question en France dans le rock et depuis toujours.
En fait je n’aime pas grand chose dans la chanson française et c’est bien pour cela que je m’obstine à chanter en français. Mon petit défi c’est d’arriver à écrire dans ma langue des choses pas trop stupides et les faire sonner sur des musiques tordues. Pas facile. Mais c’est aussi grâce à cela que nous nous sommes retrouvés sur Young God Records en 2000, que je me suis retrouvé à jouer avec Faust aussi.
Pour faire les bonnes rencontres il faut être soi même. Pourquoi tricher ? Dans ta propre langue tu peux faire passer de véritables messages, des émotions… impossibles à transmettre dans une langue que tu ne maîtrise pas. Je ne suis certainement pas le seul. Je me sent proche par rapport à cette démarche à des artistes comme : Christophe, F.J. Ossang (MKB), Jack Berrocal…
4. L’éclectisme et l’insubordination à des règles déjà établies est une constante chez Ulan Bator. J’imagine qu’on ne peut pressentir, de ce fait, de quoi sera faite la prochaine sortie?
Oui c’est vrai. J’aime surprendre et être surpris. je crois aussi que cela vient du fait que je n’aime pas me répéter. J’aurais très bien pu rester dans la formule « post-rock » de nos début sans en sortir.
Pour moi l’intégrité ce n’est pas ça mais bien au contraire; Il faut évoluer comme nous évoluons tous et en permanence, accepter nos changements de goûts, d’humeurs…
5. Tu participes aussi à l’oeuvre de Faust et Chaos Physique, entre autres, et gère ton label, Acid Cobra records. Où trouves-tu toute cette énergie, depuis tout ce temps, et la capacité à « garder la flamme »?
Il faut « tenir bon ». C’est difficile aujourd’hui. J’ai la chance d’être entouré de personnes exceptionnelles, dans mon travail et surtout dans ma vie de tous les jours. C’est ça le secret. Internet à faussé nos rapports entre êtres humains. On ne peut, bien évidement, pas avoir 10.000 amis dans la « vraie vie » comme sur myspace ou encore facebook. Il faut alors garder les pieds bien sur terre et construire de véritables rapports avec les gens qui comptent.
Avec cette conscience, tu bosses comme un dingue car tu garde une certaine sérénité mentale. Je ne me suis jamais fait prendre par mes succès comme par mes échecs. Ils restent virtuels. Je sais qui je suis, pourquoi et où je veux aller.
Economiquement c’est plus compliqué mais je préfère encore faire ce que j’aime que d’aller gagner plus de fric et m’emmerder.
6. Tu accordes de toute évidence une grande importance aux collaborations. Comment se fait le choix de celles-ci? Y’en a t-il que tu souhaiterais, à l’avenir, mettre en place?
Par hasard la plupart du temps. Tu découvre un super album et tu vas chercher qui se cache derrière.
« Soundtrack for the blind » des Swans est l’album qui nous à poussé à contacter Michael Gira alors que, à dire vrai, nous n’étions pas fan des Swans. La connexion Dirty Three – Robin Guthrie (label Bella Union) fut le point de départ de cette collaboration pour l’album « Nouvel Air » (2003). Pascal Comelade était sur le même label que nous donc, je me suis retrouvé à jouer avec lui et Jacky Liebezeit des Can… etc.
Je ne calcule pas les collaborations. Elles arrivent par la force des choses…
Dernièrement je voulais pour Tohu-Bohu une peinture de Norbert Kox pour illustrer l’album, cela s’est fait tout naturellement.
Je collabore en permanence pour développer mes activités et pas forcement avec des « noms connus ». Je ne cherche pas cela et en plus la notion de notoriété reste pour moi très relative.
7. Qu’est-ce qui t’a amené à créer acid Cobra Records? Ce label reflète si bien l’esprit qui t’anime, qu’on anticipe déjà la nature de ta réponse…
Je voulais une liberté totale. Faire avancer mes idées sans avoir à rendre de comptes à personne.
Puis, une autre réalité est : que peux t’offrir un label aujourd’hui ? Réponse : presque Rien.
Je conseille alors vivement aux groupes auxquels on ferme les portes de créer leur propre label et de sortir leurs disques eux mêmes.
8. Où es-tu allé puiser l’inspiration pour ton effort solo, le très climatique « The sorcerer »?
L’Angleterre, où tu es maintenant installé, t’a t-elle influencé dans tes travaux, tant en solo qu’avec Ulan Bator?
En fait, c’est enfermé en sous-sol dans mon studio que j’ai écrit la musique du « Sorcerer ». Ce sont les images du film « Tabù » de F.w. Murnau qui ont étés source d’inspiration. A la base, ces musiques ont été écrites pour une série de ciné-concerts qui ont eu lieu depuis 2009 autour de ce film. C’est ensuite que j’ai décidé d’en faire un album entièrement instrumental.
Pour Ulan c’est différent. Les morceaux ont étés composés en studio directement. Nous sommes partis d’improvisations, d’idées, jusqu’à arriver au résultat final. J’ai par la suite fini par trouver l’inspirations pour les textes seulement un an après. Là aussi, l’endroit où je me trouvais ne m’a pas vraiment influencé. Mon influence majeure c’est mon imagination. Mon inspiration c’est la société dans laquelle je vis. A l’heure du politiquement correct, de la bienséance, j’éprouve l’envie, à ma petite échelle, de donner un coup de pied là-dedans. J’en ai assez des modes, de la « pensée marketing » qui tue petit à petit la curiosité des personnes, de cette fierté ambiante à être raciste, égoïste, ignorant. Je voudrais voir réapparaître dans notre société occidentale la notion de « honte » et un peu plus d’humilité…
9. Quels sont les moments, dans ton parcours déjà plus que fourni, qui t’ont le plus marqué?
La rencontre avec le groupe Faust en 1996. Le festival Roskilde en 1998, la réalisation de l’album « Ego:Echo » produit par Michael Gira des Swans, la collaboration avec Robin Guthrie pour le mixage de Nouvel Air, le concert de cette année à l’ATP festival toujours avec Faust, l’enregistrement de ce nouvel album avec mes musiciens qui m’accompagnent aujourd’hui…
10. Que penses-tu de la scène française actuelle? Projettes-tu de tourner de nouveau en France? Tes dates avec Ulan Bator sont pour le moment exclusivement italiennes ou espagnoles…
Je ne sais pas trop ce qui ce passe en France actuellement musicalement parlant. Les groupes français qui passent les frontières sont et restent : Air, Justice, Phoenix et c’est bien dommage car je suis certain qu’il y a encore plein de bonnes choses par chez vous.
J’espère jouer de nouveau en France l’année prochaine. Cela dépend de si nous trouvons un tourneur ou pas. Je n’ai pas vraiment envie de me remettre à organiser des dates moi même…
11. A l’heure qu’il est, avec ce cheminement et cette ancienneté, quel bilan tires-tu de ton avancée dans le monde de la musique et plus particulièrement du rock, en jetant un coup d’oeil dans le rétro?
Pour Ulan c’est toujours la même histoire. Nous avons étés classés « rock avant-garde » dès le départ et nous garderons cette étiquette pour toujours. Pas vraiment indus, pas vraiment noise, pas vraiment pop ou encore post-rock, pas assez variété, trop énervés…
En fait tout et rien à la fois. Avec ça nous ne sommes pas prêts d’y arriver 🙂
En fait tout et rien à la fois. Avec ça nous ne sommes pas prêts d’y arriver 🙂