Après plusieurs sorties fournies et abouties, loin des schémas conventionnels du rock tout public, interview de la Varoise, auteur d’un Dreamville EP récent et flamboyant.
http://www.myspace.com/drunkenc
1. Qu’est-ce qui t’a amenée à faire du rock, écrire et composer? On sent chez toi un « background » très noisy, éloigné du rock « normé »…
Cela devrait être en 94 , je me rappelle avoir regardé une émission sur M6. Le reportage parlait de « 1991 The year punk Broke », le documentaire sur « Nirvana » et « Sonic Youth » en tournée, je ne connaissais pas encore le groupe de « Thurton Moore » et la chanson « Brother James » est apparue , j’ai cru me décomposer ! La bouche ouverte, je suis restée figée, j’ai eu mille impressions en même temps : » boule au ventre de joie, révolte, incompréhension, peur, j’ai reçu une claque si forte que le lundi matin j’ai séché les cours pour aller m’acheter ma première compile de Sonic Youth ‘Screaming Fields Of Sonic Love ». Je n’ai pas mis longtemps à comprendre que la musique dissonante était ma musique.
Mais ce qui m’a aidé à franchir le pas pour composer, c’est bel est bien le fait d’avoir vécu mon adolescence dans les années 90’s, en plein essor du mouvement « Riot Girrll ». A cette époque ça pullulait de groupes grunge féminins très impliqués (Babes in toyland, L7, Hole, Free Kitten, the Breeders, Lydia Lunch etc, toutes ces nanas m’ont donné la hargne ! L‘envie de tenir une guitare et de hurler dans un micro, enfin les femmes avaient des couilles et cela m‘a complètement fascinée…
2. Pourquoi le choix de tout faire seule? Serait-ce le manque de personnes motivées pour oeuvrer dans ce domaine musical non-conventionnel?
Depuis l’âge de 13 ans, j’ai pris l’habitude de composer ma musique seule, je me rappelle que j’enregistrais déjà des chansons à l’aide de deux magnétophones par superposition, la première ligne de guitare sur un magnéto que j’accompagnais avec ma voix et une deuxième en enregistrant sur le 2ème poste. D’ailleurs cela m’amuserait beaucoup de retrouver ces cassettes et je suis sûre de pouvoir trouver de bonnes idées à retravailler. Oui, même si j’ai eu plusieurs groupes, cela n’égalera jamais la satisfaction que je peux avoir en composant seule mes propres morceaux, c’est dans ces moments-là que je me sens pleinement en osmose avec moi-même, je m’abandonne totalement.
3. Penses-tu t’en tenir à cette formule, ou te parait-il envisageable de développer des collaborations?
DRUNkEN C restera toujours mon projet principal, mais cette année je la sens très prolifique en collaboration … pour le moment je ne préfère pas en dire plus…
4. Drunken C… l’origine me paraît évidente, mais peux-tu nous éclairer sur le choix de ce patronyme?
À la base il est vrai que j’ai choisi « Drunken » en hommage à la chanson Drunken butterfly et je ne n’ai pas choisi le titre de Sonic youth par hasard. Pour l’anecdote, « Drunken c » est la traduction en anglais quasi parfaite de « cé soul » le surmon que j’avais quand j’étais enfant ! (rire). Il est vrai que j’aime l’idée d’être ivre de quelque chose, comme lorsque l’on écoute une chanson, une chanson qui te rend fou, ou lorsque que l’on tombe amoureux, cet espèce d’état second, décalé, hors du temps, on peut être bizarre et faire des choses insensés…
Il y’a quelques mois j’ai discuté avec un ami anglophone , il m’a dit qu’il aimait beaucoup le nom » DRUNkEN C » , lui avait fait la traduction « DRUNKEN SEA » (Ocean ivre) il trouvait ça poétique et à ce moment là, j’ai compris que je garderai définitivement ce patronyme.
5. D’où te vient ce côté incroyablement prolifique? Une sorte de don, ou est-ce une sorte de compulsivité musicale, qui te pousse à écrire et composer encore et encore?
(rire) Pour dire vrai, je ne suis pas si prolifique que cela, je prend plutôt mon temps pour écrire, j’ai des périodes où je ne compose pas pendant des mois, où je suis plus attirée par la photo et vais shooter 5 pellicules par jour, d’autres périodes ou je peux rester des semaines enfermé chez moi à faire du son 15 heures d’affilée, sans me soucier ni du jour ni de l’heure, ni même penser à manger, je suis rarement en demi mesure … c’est certainement un des éléments qui m’incitent à rester seule pour composer.
6. Où penses-tu en être de ta démarche, dans l’élaboration de ton univers musical personnel?
Je ne sais pas si j’ai vraiment une démarche, je me laisse porter …
Même si je fais quelque chose de noise et indie, j’ai un esprit assez punk pour la musique, j‘ai envie de te dire « fais tourner le beat et envoie la sauce « ! J‘évite de me poser trop de questions, je fais les choses comme je les sens et quelque fois avec beaucoup de naïveté, j’aime être libre …
7. Quel regard portes-tu sur la scène musicale actuelle en France et plus particulièrement dans le Sud, où tu résides? As-tu eu des « coups de coeur » ces derniers temps dans ce domaine?
Oui, de grands et gros coups de coeur. Il y a David Deias, il compose absolument tout, tout seul, ne se cantonne pas dans un style, il fait ce qui lui plait. Sur son myspace on peut écouter des titres, No Wave, Contry même trash, ce mec est un génie ! Il y a Cyril Mary, lui aussi c’est un putain d‘artiste, Madame b qui à un sacré univers musical, très instinctif tellement génial…, Stolearm mon dernier coup de coeur dans un style plus électro indus, j’adore ce qu’il fait, il a une sensibilité qui m‘a excessivement touchée. Tapenga (le groupe d’Alex Touret, le bassiste qui m’accompagne pour les live de DRUNkEN C ), un groupe » indé psyché » niçois, je te conseille vivement d’aller écouter, tu vas adorer, ils sont « fous barjo » , Curl, dans un esprit plus Cold, c’est très bien produit, G. un groupe Folk, orchestré par Greg, il compose tout lui même et fait appel à des collaborations. J‘avais d’ailleurs fait un titre avec lui « The only thing », Rapido de Noir la dernière Sortit de Zorch Factory Record , ils proposent une musique « Curiste » vraiment intéressante, En France nous avons de petits joyaux qui méritent d’être écoutés avec beaucoup d’attention…
8. D’où te sont venues tes idées pour Dreamville? Es-tu allée puiser dans tes écoutes et goûts récents, ou t’es-tu efforcée de ne pas en tenir compte?
Même si j’ai mes groupes phares comme : Sonic Youth, Nine Inch Nails, Pj Harvey, Birthday Party, Joy Division, Big Black, Shellac , Brian Jonestown Massacre, The Cure, j’écoute beaucoup de choses différentes et cela se ressent clairement dans ma musique. Sur ma démo précédente comme pour les morceaux « Toc toc toc » ou « Strait-Jacket « , j’étais dans une période vachement Hip hop toute la vague « avant garde » comme Subtle, ELp , Why ?, J’ai eu une phase total Anticon, et, à cette époque, mon envie était tournée vers un gros son, gros beats et basse massive, ce qui diffère pas mal de « Dreamville ». J‘avais besoin de revenir à mes racines avec une musique plus brute, plus Rock, plus punk, plus noise et fatalement plus organique. Je pense également que la nouvelle vague actuelle post-punk (The Horrors, A place to bury strangers, Suicide party, s.c.u.m, Factory floor) ne me laisse pas indifférente et que j’en subis les influences.
9. Le titre lui-même, Dreamville, à quoi renvoie t-il?
Dreamville c’est un peu le reflet de la ville où je vis actuellement! (rire). Une ville bizarre comme on pourrait la voir dans un film d’Oliver Stone, une ville quasi fantôme, avec des gens étranges, tout pourrait sembler parfait, mais en réalité, quand tu y pénètres, bonjour les emmerdes ! J’adore l’esthétique proposée par ce réalisateur , des films comme The Doors, U-Turn ou Natural Born Killers arrivent encore à me captiver bien que ces productions aient presque vingt ans, il y a toujours des histoires loufoques avec des décors dont je suis fan; le désert Californien, les régions arides, les vieilles stations essence, la poussière, les squelettes de buffle sur les bas cotés de la route, les grigris…
Ca peut faire cliché, mais je crois que c’est profondément mon truc et ça depuis longtemps. j’espère pouvoir faire un voyage dans Le désert des Mojaves … en attendant je fantasme et cela m’influence pour ma pochette …
10. As-tu le souhait, à terme, d’être signée, voire de monter ta propre structure?
Etre signée n’est pas ma priorité, pour le moment, je suis actuellement diffusée sur deux NetLabel, Vault 106, Myhand Thanx et très prochainement sur le Label Zorch Factory Record , cela me permet de proposer mes Ep gratuitement et que certaines personnes puissent connaître ma musique par le biais de forums. L‘autoproduction c’est mon mot d‘ordre, on n‘est jamais aussi bien servie que par soi-même ! Alors, oui, une idée depuis longtemps, pourquoi ne pas monter ma propre structure …
11. Quels sont pour l’instant tes souvenirs les plus marquants, ou tes expériences les plus constructives, dans ton parcours musical?
C’est incontestablement David Deias (voir plus haut) qui a le plus marqué mon parcours musical. Je le considère comme mon maître, j’ai rarement vu chez une même personne autant de talent réuni. Ce mec à su me faire confiance à un moment de ma vie, à l’époque il a su me suivre dans mon trip indie alors que lui était très impliqué dans la musique sauvage (ex guitariste de Liquid Koolal et gros Fan de Pantera, slayer, Fantômas, Exploited). Je ne savais pas très bien jouer de la guitare et il a su me faire évoluer et me donner suffisamment confiance pour mettre en oeuvre notre futur projet « Mrs Deadqueen ». Je peux te dire une chose : « sur scène, ça envoyait du bois « ! Il y avait une puissance folle, lorsque David, accompagné de Damien Grosso, un batteur exceptionnel et de Cyril Mary, un Bassiste incroyable qui n’a rien à envier au jeu de scène de Iggy Pop, nous étions 4 fous lâchés sur scène et, encore aujourd’hui, je n’ai jamais retrouvé cette énergie destroy, et ça, même avec DRUNkEN C, cette période me rend encore nostalgique …
12. Selon toi et si tu en as déjà une idée précise, à quoi peut-on s’attendre après Dreamville?
Il est quelque peu prématuré d‘en parler aujourd‘hui, comme à mon habitude, je vais me laisser aller à mes inspirations…