A l’écoute de ces douze titres, ça ne serait que justice tant Pilöt, doué d’une identité déjà affirmée, se veut novateur, sous l’impulsion d’une chanteuse surprenante, Alex c. Le Thomas de Selve, dont le registre interpelle et qui use de ficelles inédites, mettant les maux en mots avec habileté. Secondée par un trio de musiciens tout aussi probants dans leurs interventions, qui élaborent un accompagnement en phase avec son chant changeant, convaincant quel que soit l’option choisie (colère, douceur, voix à la fois mutine et enfantine, onomatopées, cris d’un apport indéniable…), cette dernière impose sa patte, greffée à celle de ses collègues, et dès l’épatant Oops, on entre de plein pied dans l’univers Pilöt, troublé, troublant, faussement tranquille en certaines occasions (Chese cake et ses déchirures noisy, oeuvres d’Antoine Eole, Victor Belin et Thomas Hispa), parfois presque planant mais résolument intense (The ham_ 61 kids’ army et ses motifs obsédants), plus direct comme sur le groovy et alerte Oops cité plus haut.
L’effet est saisissant, conséquent, et on se laissera également prendre aux volutes de flute de Mantes religieuse, à l’énergie saccadée façon Sloy de l’exceptionnel The third, au refrain marquant, et par extension à la totalité de l’opus. Le progressif, dans son avancée, Whiteman, avec son accélération appréciable, constituant l’un des exemples de l’addiction que peut générer l’ensemble, véritablement étonnant quand on pense qu’il s’agit là d’un premier long format.
Plus loin, Colonel Moutarde et sa fin inattendue, contrastant joliment avec le contenu du morceau, et la montée en puissance du bien nommé Sonic, changeant dans ses attitudes et instaurant aussi bien des plages apaisées qu’une électricité débridée, ou ce Zero dans la retenue, à l’arrière-plan noisy digne de Sonic Youth, confirment sans contestation possible l’irréprochable tenue de ce disque, fruit d’une cohésion affirmée entre les membres du groupe. Ceux-ci nous livrant avec Apache, dernière chanson de Mother mais la toute première à avoir été écrite, un dernier cadeau jouissivement venimeux, animé par l’organe d’Alex et l’ornement musical de ses acolytes, sans égal et porteur d’une envolée dont la teneur, de façon identique au contenu des onze autres morceaux, incite à de nombreuses écoutes, ceci à la limite du compulsif.
Pour conclure donc, Mother constitue, de toute évidence, l’une des plus belles surprises françaises de cette rentrée 2010, et se démarque magnifiquement, d’entrée de jeu, par le biais d’un style affiné et attractif.