Outre la voix caractéristique de l’homme à la capuche, dont le timbre aigu fait ici merveille, l’accompagnement musical est somptueux, original et inventif, et fait se télescoper chant simultanément enjôleur et déviant et sons souvent turbulents, To disappear, le titre inaugural, illustrant bien la démarche du groupe par sa vive légèreté, son allant et sa texture fine mais délibérément rock, animée par une belle sensibilité pop. Puis c’est Spring is over, moins alerte et tout aussi bon, qui met d’emblée You! sur les bons rails, ceux d’un rock personnel ayant pour mérite non seulement son extrême qualité, mais le fait de ne ressembler à rien de déjà connu, si ce n’est sa filiation indirecte et parfaitement assimilée avec Stuck in the sound.
On retrouve aussi sur l’opus trois des quatre morceaux de I hate You!; l’inénarrable I hate You! donc, planant et obsédant, porté par des séquences electro bien senties, Battles à mi-chemin entre rock et new-wave, gentiment « obscur », ou encore Never seen a girl, courte chanson au climat presque jazzy, feutré et émotionnel, perturbé par des guitares discrètes mais acides, et un standard electro-punk irrésistible, Murder in the nightclub, bardé de sons bruissants du plus bel effet.
Quels que soient le décor planté, l’orientation pour laquelle il opte, You! enterre la concurrence, qu’il ne trouvera guère, en cette rentrée, que chez Pilöt ou Adam Kesher, pour faire court, au niveau hexagonal, et se montre convaincant même dans ses instrus porteurs d’une voix effacée et enivrante (Goodbye en conclusion).
Autour de cela, Heart, et sa basse à la Simon Gallup, direct mais non dénué de finesse (il s’agit là d’une des qualités les plus en vue de Romuald Boivin; cette capacité à élaborer des trames irrémédiablement attractives), ou Oldsong et ses riffs secs, José y allant sur ce titre d’un chant scandé puis presque « Pattonien » avant de revenir à des intonations plus « Fontao », complètent la trame de façon idéale, imités en cela par Know your G, intense et aérien, épais et psyché, et un Hello aux chants associés appréciables, aux « wouh-ouh,ouh-ououhh » marquants sur fond de rock cold aux six-cordes encanaillées. Le dosage est toujours judicieux, les bonnes idées pleuvent et You! parvient à tenir le juste discours, assez maitrisé pour ne pas s’avérer surchargé, bien au contraire.Le tout avec l’intensité nécessaire au pouvoir de séduction, d’ores et déjà énorme, du disque. Et même Thank you, superbe exercice pop-folk sobre et apaisé, se montre tout bonnement irréprochable.
Parfait, différent et intégralement réussi, You! vient donc directement s’inscrire dans la catégorie des disques référence, et donne un sérieux coup de fouet à la scène française qui, au risque de me répéter, recèle nombre de formations talentueuses mais par trop ignorées. You! étant, lui, plus médiatisé, profitons donc sans compter de son opus de haute tenue, aux titres singuliers, en attendant également avec une impatience non-feinte les oeuvres à venir des « Stuck » ou d’ I am un chien. Super disque.