En musicien expérimenté, il propose un registre large, débutant par Yolanda et ses guitares discrètes mais décisives qu’épaule un Farfisa de haute tenue. Le morceau se déploie lentement et dévoile un arrière-plan retenu, et inaugure les festivités avec panache tout en donnant le ton général de l’album, puis Lies, embelli par la voix de Kim Sherwood en parfait contrepoint de celle de Dowd, confirme l’intérêt de ce blues savamment exécuté, aux grattes présentes mais jamais trop démonstratives. L’énergie pure pointe ensuite sur Howling wolf blues, où six-cordes et Farfisa se livrent un duel endiablé, et qui exhale un chaos sonore largement appréciable.
La première option, feutrée mais jamais conventionnelle, est dominante, et le groupe (Johnny s’entoure ici de musiciens chevronnés, parfaitement à leur aise dans la cadre de l’opus chroniqué en ces lignes) a de plus le bon goût de nous gratifier de chansons calmes et chatoyantes comme Babylon, PA sur lequel le duo vocal Dowd/Sherwood fait merveille, allié à une instrumentation sobre et de choix. Puis c’est un essai jazz/funk de tout premier ordre, Hello happiness, que nous avons ensuite le loisir d’écouter. Sans en faire des tonnes, Johnny Dowd parvient à bâtir des morceaux de grande classe, gentiment déglingués, faussement tranquilles ou plus rentre-dedans comme l’est Swamp woman. Il n’y a rien à jeter dans cet ouvrage, et le blues bourru audible sur Me and Mary Lou permet à notre homme de passer le cap de la moitié d’album sans encombres, le bonhomme y allant d’une voix étonnamment expressive, sur laquelle son âge n’a de toute évidence aucune prise.
En ajoutant à cela sa capacité à séduire sur des durées excédant très souvent les cinq minutes, il devient évident que ce Wake up the snakes constitue une belle réussite, tant dans ses moments de quiétude (Words of love) que dans ses plages raffinées certes, mais dotées d’un fond inquiétant (Time), et bien sur sur les morceaux plus énervés (un Demons and goats sulfureux), en même temps qu’une alternative recommandable aux nombreuses sorties post-punk, ou prenant la forme de revivals « multi styles », actuelles.
En outre, aucun faiblesse n’est à relever sur la fin, entre Fat Joey brown, remuant et secoué par ce Farfisa décidément surprenant, qui brode des motifs captivants, et Voices, au climat feutré mais troublé par une guitare volubile, pour aboutir à Organ grinder, vif et saccadé, foutraque et énergique, qui met fin à un opus de qualité.
Surprise de taille donc, qui plus est insoumise et aussi avenante que biscornue, de la part d’un Johnny Dowd dont la dextérité la rapproche des figures de proue (Cohen, Nick Cave ou encore Lou Reed) que son disque évoque ça et là.