Au moment de la sortie d’un premier album, attendu au vu du contenu de EPs précédents, interview d’un multi-instrumentiste français talentueux, qui s’est de plus offert le luxe de travailler, pour les besoins de ce disque, avec l’ex Ride Mark Gardener.
En fait je n’avais pas prémédité de bosser avec Mark. On venait de finir l’enregistrement avec Antoine Chaber et Samy Osta dans differents studios à paris, et on cherchait un mixeur.J’ai donc pensé a quelques personnes et un soir, a la Belleviloise, une amie m’a présenté Mark qui était de passage a paris. A ce moment là je ne savais pas qu’il mixait des albums. Pour moi, il était « uniquement », le merveilleux chanteur de Ride qui venait quelques mois avant de collaborer avec Anton Newcomb sur l’album de Brian Jonestown Massacre, » my bloody underground » et que j’avais trouvé particulièrement réussi.
Bref nous avons pas mal parlé de choses et d’autres, et mark en est venu, très humblement à me dire qu’il venait de finir de mixer l’album d’un groupe et qu’il était particulièrement excité a l’idée de se lancer dans cette nouvelle expérience. Je lui ai donc glissé que je cherchais quelqu’un pour mixer mon disque. Il est reparti avec a Oxford et nous a recontacté quelques jours après pour nous dire qu’il était très emballé par le projet. 2 jours après je lui envoyais les pistes séparées de Dream#7 et c’était parti. Le hasard fait parfois bien les choses.
2. Pour avoir regardé la vidéo qui annonce l’album, on sent une certaine énergie scénique. Peut-on s’attendre à voir tes morceaux transfigurés, donc, sur les planches ?
Transfigurés c’est le mot. Ces derniers temps on a la fâcheuse tendance a transformer complètement certains morceaux du disque pour unifier notre set qui est de plus en plus noisy. Une surcharge pondérale de longues notes de guitares distordues viennent faire le liant entre et pendant les morceaux. c’est beaucoup moins lisse que sur l’album ça ressemble a une bande de sauvages mous. je pense que les fans de « souvenir » ou « bottle of rain » risquent d’être surpris…
3. Est-ce toi qui, au sein d’Axel And The Farmers, prend immanquablement la direction des opérations ?
A la base axel and the farmers est mon projet solo.J’ai donc pris tout naturellement la direction des opérations. la plus part des morceaux, je les ai écrit seul chez moi, ou dans un petit studio, et c’est seulement après les avoir bien abouti que j’ai pensé a monter mon groupe. Je continue d’ailleurs a bosser de cette manière. Je trouve les morceaux d’abord chez moi et ensuite je les propose au groupe. Leur avis est très important car je n’aurais aucune envie qu’ils jouent des morceaux qu’il ne sentiraient pas. nous avons aussi co ecrit un certain nombre de morceaux sur le disque. et ça continuera.4. L’album, brillant, n’offre cependant aucun morceau vraiment « rageur ». Sur Electrika ou Dance hall par exemple, on reste dans la retenue. Le résultat est excellent, mais pour quoi n’avoir inclus aucun titre réellement débridé ? Réserverais-tu ce procédé au live ?
J’ai conscience d’avoir fait un album un peu « sage ». Tout l’inverse d’un album « lâché » (comme My bloody underground de Brian Jonestown Massacre pour reprendre l’exemple) c’est un album léché. C’était ce que je recherchais a ce moment là : essayer d’atteindre une forme de perfection dans chaque instrument joué dans chaque interprétation de voix etc… Je pense que mon prochain album sera plus débridé. J’ai envie de laisser plus de place a l’improvisation, au premier jet, a l’imperfection. plus comme en live.
Entre la fin de l’enregistrement de ce disque et sa sortie, 2 ans ont passé. J’ai eu le temps entre deux de bosser en tant que réalisateur sur des albums d’autres artistes (« my bee’s garden », « hush puppies », « the narcoleptic dancers ») et de pousser mes idées de productions chaque fois un peu plus loin. il me tarde d’appliquer toutes ces nouveautés sur mon prochain album.
5. Personnellement, la lecture du nom du groupe m’a immédiatement donné envie d’en savoir plus.
D’où vient-il ?
De nul part en fait. ça m’est venu comme ça. Je ne sais pas vraiment d’où.
D’abords c’était moi tout seul puis comme je fais intervenir toujours les mêmes potes c’est devenue une sorte de groupe. Alors du coup c’est le projet d’axel et de ses potes, les farmers. c’est con en fait.
6. Tes expériences antérieures à Axel, avec White Russians ou avec Barth en « support band » des Pretenders, ont-elles influé sur ta musique actuelle ?
Oui forcement, le fait d’avoir bossé avec beaucoup de groupes en tant qu’accompagnateur (clavieriste pour être exacte) a eu une influence sur ma musique.
David Bowie, Brian Eno, Prince c’est une chose,mais je m’influence aussi beaucoup des musiciens qui m’entourent. J’ai la chance d’avoir des gens talentueux autour de moi comme My Bee’s Garden,Barth ou Steeple remove qui m’ont toujours soutenu dans mon projet et avec qui on a échangé et partagé beaucoup d’idées .il y a des similitudes dans nos musiques respectives.
7. Tu as vécu en France, puis en Angleterre pour finalement revenir en France, si j’ai bien compris. J’imagine que c’est une source de richesse, dans l’inspiration, pour un musicien ?
Comme pour tout le monde je pense. S’adapter a une autre culture que la sienne, ça ouvre l’esprit. Musicalement, les anglais ont une approche hyper instinctive.
j’ai rapidement joué en tant que claviers dans quelques groupes de punk en traînant vers le « good mixer », un pub complètement crade a Camden ou tous les rockeurs viennent picoler. c’est le genre de chose qui ne peuvent arriver qu’en Angleterre. J’ai beaucoup tourné en Van avec une bande de perchés et c’était plutôt marrant. J’ai trouvé la plus part des morceaux du disque a cette période.
Après il a fallu rentrer en france pour structurer tout ça. C’est un pays de fous.
8. Pour en revenir à l’album, on a le sentiment, au niveau de se préparation, que tu fais les choses de façon à la fois très « roots », très libre, et très pro. Tu confirmes ?
J’ai toujours été très méticuleux en musique. Quand je suis arrivé au studio pigalle pour enregistrer les basse/batterie avec le groupe, j’étais prêt a 200%. J’avais retourné les arrangements de chaque morceau dans tellement de sens,qu’il n’y avait presque plus de doute sur la façon d’aborder les choses. J’avais déjà décidé de ce que je garderais de la demo et de ce qui était a réenregistrer. Dans un sens j’y ai perdu un peu de spontanéité, mais c’était rassurant pour attaquer un premier album.
Depuis quelques mois je sens que suis en train de me libérer des contraintes de structures,de logique pop. je tends vers du plus roots. du plus radicale. j’essaye de perdre le contrôle.
9. De quoi traitent tes textes ? S’agirait-il de tranches de vie emmagasinées au fur et à mesure de ton parcours ?
Oui, chaque texte est lié plus ou moins a ce que j’étais en train de vivre sur le moment. C’est en général assez léger dans la signification. Je ne m’attaque jamais a des sujets douteux du style politique, religion, révolution ouvrière etc… Je me contente de dévier mes petites expériences de vie,tout en essayant de trouver une image a la fois poétique et musicale. ça me demande beaucoup de temps, peut être même plus que de composer un morceau. Mais même si c’est un exercice difficile, j’adore écrire en anglais. ça permet tellement de choses.
10. Considères-tu Axel and The Farmers comme une formation à géométrie variable, dont tu serais, bien entendu, l’élément central ?
J’ai eu divers formations sur les 5 dernières années. Des Farmers sont passé, sont repartis, d’autres sont restés. A la base j’étais tout seul. Disons que ce premier disque m’a permis de trouver une bonne équipe avec qui j’espère continuer de bosser encore quelques années. J’espère aussi que de nouvelles rencontres viendront se greffer aux futures albums.
11. Psyché, rock, orchestral, pop ; l’opus visite plusieurs genres sans se désunir. Quels sont les artistes, liés à ces styles ou pas, qui t’ont inspiré et/ou donné l’envie d’écrire et de composer ?
Je suis né avec les Beatles en intraveineuse, mon père a été intraitable, il fallait que je connaisse le sujet sur le bout des doigts…
Après, j’ai écouté beaucoup de musique black américaine quand j’étais ado. Je me nourrissais de Prince, Parliament, Curtis Mayfield, Marvin Gaye, Sly Stone puis ensuite vers 92,93 j’ai commencé a écouter Bjork, Portishead, Tricky, Beck, j’ai adoré cette période, il y avait beaucoup de nouveauté.
ce n’est qu’après tout ça que j’ai commencé a découvrir ce qui m’a vraiment influencé plus directement pour ce disque. D’abord j’ai découvert le Velvet, puis Bowie, puis T.Rex, Can, Neu, Joy Division, Spacemen 3, les Pixies et la liste serait trop longue. Il y a énormément de choses a prendre partout, et c’est certainement pour ça que mon album part un peu en feu d’artifice de styles de musiques, J’aime autant la beauté d’un son d’orchestre a cordes que d’un string synthé Roland bien 80.
Je continue a écouter beaucoup de nouveautés. On est dans une très bonne période musicale,et je suis ultra fan de groupes comme Kurt Vile, Deer Hunter, Atlas Sound, Department of Eagle, Tame Impala, Here We Go Magic, Broadcast, Portishead (toujours), et beaucoup d’autres. C’est très motivant tout ça.