En neuf titres emmenés pieds au plancher par le trépidant O.F.Y.C. showcase et son gimmick de synthé démentiel, complètement enivrant, dézingué par la folie vocale de Smith, les Anglais imposent leur style et renouent avec la verve d’Imperial wax solvent, datant de 2008. Bruyant, jouissivement bruyant, magiquement répétitif (les motifs sonores géniaux du groupe se voient réitérés à l’envi, de même que le refrain « Your fuuture, our clutter!!!« ), ce titre précède un Bury pts. 1+3 scindé en trois parties; démo, pré-mix et morceau final, exceptionnel, ponctué par le clavier d’Eleni Polou et la guitare nerveuse de Peter « PP » Greenway. Dave « the Eagle » Spurr et Keiron Melling assurant une rythmique solide, quasi métronomique, pour parfaire le tout.
The Fall n’a pas son pareil, après tant de temps et dans une qualité quasi-inaltérable, pour bâtir des hymnes teigneux, que ce soit dans l’urgence ou dans un climat plus posé comme sur Mexico wax solvent, troisième morceau plus « sensuel », porté par la voix reconnaissable entre mille du vétéran amateur de Métal Urbain. Rien que la frappe saccadée de Melling, et les volutes psyché d’Eleni, menant ce morceau vers des sommets d’excellence que seul The Fall lui-même, ou encore Sonic Youth, peut se targuer de tutoyer de façon récurrente.
Arrive ensuite une bourrasque elle aussi décisive intitulée Cowboy George, batterie assénée, voix quasi menaçante, riffs durs menant la danse avant un break narratif, assez psyché, bien placé, qui met d’ailleurs fin au titre dans une atmosphère similaire à celle des premiers Sonic Youth, justement. Puis c’est Hot cake qui suit, rapide, implacable, Smith se voyant parfaitement secondé par les choeurs simples et ravageurs de sa compagne et son chant encanaillé complètement adapté. Véritable machine à standards post-punk, bardés d’éléments electro ou krautrock, le quintet mancunien éclabousse de sa classe la production actuelle et passée, se permettant sur Y.F.O.C./Slippy floor, après une intro déjà alerte, une vitesse d’exécution que beaucoup seraient en peine d’assurer. Ceci sur plus de cinq minutes, dans un climat sauvage, noisy, entièrement débridé…avant de finir sur une note presque folk/surf magnifique. Smith et sa clique brassent, malaxent un post-punk qui leur appartient depuis belle lurette et qu’ils n’ont de cesse de faire évoluer tout en nous resservant à l’envi les hymnes qui les caractérisent.
Ils partent même dans une ouverture psyché sur Chino, truffé de sons étranges, animé par la guitare à la fois racée et cinglante de l’ami Greenway. Spurr y allant de ses lignes groovy, tout en relief, de manière à élaborer une trame post/psyché des plus réjouissantes, aux nappes de claviers tourbillonnantes du plus bel effet. La voix incantatoire de l’inénarrable leader pimentant le tout avec le brio qu’on lui connait.
Ceux qui raffolent des titres courts et rapides, noisy, et tous les autres aussi, trouveront ensuite leur compte sur Funnel of love aux stridences guitaristiques géniales, avant ce Weather report 2 final magique, posé, d’une élégance extrême, où Smith se fait charmeur dans le chant, et qui, soudainement, impose un climat sombre captivant, qui tranche de façon assez radicale avec le début de la chanson. Smith mettant fin à celle-ci sur des mots murmurés, sussurés, eux aussi en opposition avec son registre habituel.
Superbe album donc, l’un des meilleurs de cette année, de la part d’un groupe dont les incessants changements de line-up n’ont en rien altéré le génie et l’inspiration, et dont le rapport longévite/qualité s’avère impressionnant.