Les huit titres de Dead Lake sont cependant de très bonne tenue, à commencer par ce Loss qui nous met d’emblée sur les rails d’une noise intenable, dotée, comme on l’aurait souhaité pour le chant, de moments d’accalmie bien sentis qui s’associent parfaitement avec les plages plus colériques.
L’entrée en matière est donc probante, l’intro remuante et saccadée de Moving hands, aux riffs détonnants et lui aussi porteur de son moment plus apaisé, débouchant sur une nouvelle réussite. On pense aux groupes estampillés Rejuvenation, comme Do you compute ou Scul Hazards, et le plus calme More than grazes, sous-tendu par un arrière-plan retenu, confirme tout à la fois l’originalité de Silent Front et la diversité insufflée à son album, ceci tout en s’en tenant à un registre cohérent, au sein duquel se trouvent la noise et le hardcore.
Les Anglais s’essayent ensuite à un format plus long sur Knot, haché et trépidant, aux riffs une fois encore décisifs, l’ambiance de ce morceau prenant des atours plombés, vifs ou plus tranquilles sans que cela ne nuise à la valeur du résultat. Le morceau s’achevant même sur un break prolongé, façon Sonic Youth, calme et montant en puissance sans y perdre de son côté posé. Puis A few more months, plus énervé, plus court aussi, instaure des coups de boutoirs instrumentaux bien amenés, tempérés par des interludes sur lesquels, on louera l’initiative, la voix se fait légèrement moins criée.
Sur Misanthrope, lui aussi court, Silent Front valide de façon définitive sa personnalité et sa largesse d’esprit, avec véhémence pour, à l’occasion d’un Suit for a certain occasion moins éphémère, mettre en présence tout ce qui fait sa force, son impact et finalement le pouvoir de séduction de cet album: puissance, inventivité, maitrise individuelle et collective, et plages de « respiration » nécessaires à ce que le tout ne lasse pas. Le tout de façon saccadée, comme souvent, avant la pièce finale, longue de plus de huit minutes; Across the river and into the trees.
On reste ici dans le vindicatif, mais modéré par ces breaks aussi bien en place, aussi bien imaginés qu’indispensables à l’opus, qu’on aurait peut-être moins apprécié s’il avait été direct de bout en bout.
Très bon, ce dernier aurait même gagné à afficher plus d’envolées tempérées, voire un ou deux morceaux de cette teneur, qui en auraient optimisé le contenu jusqu’à en faire une oeuvre majeure, dans ce style, de cette année 2010.
Il n’en reste pas moins de haute volée, en attendant une suite sur laquelle le trio saura, à coup sur, creuser plus en avant encore sa démarche.