Voilà pour le label, que cet album de Soso, artiste canadien adepte du do it yourself,met magnifiquement à l’honneur, imitant en cela ses collègues de Pastry Case et The Delano Orchestra, pour ne citer qu’eux. Il officie dans un schéma folk ou hip-hop surplombé par une trame grinçante, proche du shoegaze ou de la dream-pop, créant ainsi un style particulier, personnel, et signant avec ce disque une oeuvre splendide, aussi classieuse que tourmentée.
La mélancolie des quasi dix minutes plaintives et exaltées de Rubber rings, au chant à la fois hip-hop, donc, songeur, et pop-folk plus exacerbé, plus démonstratif, envoûte d’emblée, un climat lo-fi se dégageant des guitares souillées qui enrobe le tout. L’entrée en matière est de très haut niveau et Soso impose de suite sa touche, novatrice. Puis le hip-hop folk de Company of chairs, lui aussi savamment orné, mais de façon plus « propre », à l’orgue, mais secoué par des percussions assénées, permet à notre homme de continuer son petit bonhomme de chemin….jonché de grattes acérées en sa fin, parfaitement associées à un clavier moins excessif.
Les contrastes fonctionnent à plein, c’est même l’un des atouts, nombreux, de Soso, et l’atmosphère feutrée et posée de All The Useless Things These Hands Have Done, retenue, majestueuse, est elle aussi « abimée » avec maestria par ces six-cordes décisives, aux notes éparses et marquantes. Rêverie et perturbation sonore vont de pair, et la Canadien se met à nu sur The Names of all the Trees, quatrième morceau sobre, aux voix pures et plaintives L’accompagnement, c’est une constante ici, est de toute beauté, et engendre des sentiments contraires, ce qui n’est pas le cas de Your Mom is in the Next Room, aussi probant certes, mais dont le contenu joue moins sur ces oppositions dans les éléments. Les choeurs en font, rien qu’à eux seuls, une pièce immanquable.
C’est ensuite Floorboards and, court, dispensable car inachevé, qu’on peut considérer comme un interlude, qui se présente, avant One Eye Open, triste et enjoué, car sombre dans ses penchants hip-hop et « joyeux » dans ses élans folk. On retrouve ce tempo saccadé, vif et flemmard, et cette superbe dans l’ornement, ce savoir-faire et ce feeling indétrônables. Puis For a Girl on a Faraway Hill , aux airs de chorale lo-fi en sa fin, développe sur près de huit minutes le paysage sonore incomparable de ce grand amateur de « Neil Young, Fog, Canadian indie rap darlings & label mates, old cowboy tunes and drinking music », dont l’amalgame est ici mis en place avec un talent énorme.
Superbe album donc; nullement surprenant quand on sait qu’il provient de Kütu Folk, mais en tous les cas, entièrement passionnant.