Les différentes colorations musicales se télescopent, avec pour trait d’union un rythme souvent débridé et des guitares vigoureuses (New colours), les genres s’entremêlent et le meilleur des Happy Mondays, des Stone Roses (l’un des musiciens de Shit Browne porte même un bob à la Ian…Brown) et d’Inspiral Carpets se voit réhabilité, sur cet album, avec un brio à la limite de l’insolence.
Rarement, en effet, un groupe, qui plus est français, aura eu l’audace de damer le pion à des formations de cette mouvance, sans que le rendu sonne « plagié » ou « pompé », loin de là. Sur Sunflowers, on pense même à Thousand Yard Stare, celui de Fair To Middling, et les mélodies scintillantes des parisiens s’élèvent à la hauteur des pointures nommées en ces lignes. L’amorce est typiquement baggy (l’excellent Artifice, lancinant et doté de ce rythme paresseux caractéristique du mouvement) et porte en elle cette classe mêlée de désinvolture, que Electronics, asséné, presque noisy, dynamité par des vagues synthétiques aussi intéressantes que ces guitares vigoureuses et ce tempo affirmé, vient bousculer avec maestria. Ceci avant que Betty’s cake, à la pop acidulée remarquable et chatoyante, n’officialise définitivement l’adresse de Shit Browne dans le réinvestissement d’un créneau dont le caractère « géographiquement exlusif » le rend particulièrement difficile à égaler. Personne, d’ailleurs, ne s’y étant vraiment risqué depuis Madchester et le foisonnement qui s’ensuivit.
Shit Browne ose, lui, et, armé de ce savoir-faire et d’un souci délibéré de personnaliser son registre, accouche de titres détonnants que seul le dispensable 38°54’N -01°26’E – 07/06/1989, court et inachevé, vient -à peine, il faut le dire- , mettre à mal.
Qu’à cela ne tienne, Shit Browne nous fait le coup de reproduire une sorte de Fool’s Gold avec Don’t ask, pour embrayer sur Chairman et ses grattes incisives, résolument baggy dans le rythme, doté, aussi, de claviers bien sentis. On est plus qu’heureux, à l’arrivée, de renouer avec ce foisonnement mancunien, Shit Browne en synthétisant superbement le contenu général sur les douze morceaux de Every single penny will be reinvested in the party. Et sur la fin d’album, on se régale tout d’abord de Sweetback, dans un premier temps séduisant dans son uniformité, puis plus appuyé, plus tranchant, sans se départir de cette touche 90’s aux guitares claires. Puis c’est le punky She’s a party, inférieur à la minute, qui vient s’ajouter là l’éventail large, bien que restreint à un courant bien précis, des Franciliens.
On en reprend ensuite une large louche avec le très Inspiral Carpets, avec son orgue délirant, Browne and around, Winter collection se chargeant de conclure sur une note modérément cold, electro groovy et plans club à la voix aigüe s’alliant pour un résultat à l’image de l’ensemble ce de premier jet: au delà de tout soupçon.
Un disque de haute volée donc, actuel et nostalgique, résolument moderne en même temps qu’il engendre l’envie, impossible à refouler, de se replonger dans les oeuvres de la clique à John Squire ou Shaun Ryder. On apercevrait presque, tant l’essai est abouti, Bez danser comme un possédé, maracas en mains et dans un état… »second », dirons-nous, au son de cet excellent opus.