Et si le revirement peut surprendre, le contenu n’en est pas moins, au carrefour des styles et des époques, entièrement attrayant. Utilisant autant la langue de Molière que celle de Shakespeare, Accident débute sous les meilleurs auspices avec le remuant Vert bleu noir, fait d’une new-wave sombre, y faisant preuve d’une certaine qualité textuelle et d’une belle ingéniosité dans l’ornement musical.
En outre, ils font preuve ici de la constance qu’un M83, par exemple, n’a pas su afficher sur son dernier effort, et maintiennent non seulement la qualité, mais aussi une trame vive, sur Marjoram. Délicatesse vocale et sons bien pensés s’acoquinent et se greffent sur un rythme sec et précis, et on se prend vite au jeu de la paire, inventive et forte d’une cohésion que l’on ne peut remettre en cause. Les phocéens oeuvrent ensemble, d’un point de vue musical, depuis 1997; on ne s’étonne donc guère de la qualité du rendu. D’autant que Sur tes lèvres, plus saccadé, Gainsbourien dans le texte, accélérant ensuite le tempo, et alliant avec brio les deux langues citées en début d’article, confirme le niveau élevé des compositions de cet album éponyme.
De plus, des guitares acides pimentent le titre, que suit Voyage au bout de l’enfer et son dialogue samplé en intro, qui développe un climat voluptueux du plus bel effet.
La diversité est donc de mise, dans le tempo comme dans l’enrobage sonore, et on se réjouit des titres intermédiaires comme d’un Crazy bodies royal, alerte et plus « fonceur », puis d’ Idole particulier, lui aussi vif et porteur de roulements de toms caractéristiques des 80’s. Ce morceau, comme beaucoup d’autres, n’aurait nullement dépareillé sur Des jeunes gens modernes ou encore Bippp, et exhale une inspiration sonique décisive, sons synthétiques et plus organiques élaborant un décor hautement appréciable.
L’Anglais fait ensuite son retour sur Cry and sight, bombe new-wave rock qui fait d’Accident un espoir à suivre de près. Aucun faux pas n’est à déceler, et Pas vraiment impose lui aussi la patte du duo, electro, légèrement cold, new-wave aussi donc, mais aussi, et surtout, délibérément personnelle.
C’est ensuite Amnésie infantile, plus massif, instaurant des boucles obsédantes, et se faisant ensuite plus rapide, qui nous fait profiter de l’inventivité des sieurs Maudoux et Monteiro, avant que 3e ballade mondiale, bien breaké, au rythme affirmé, n’enfonce définitivement le clou d’un genre novateur, inspiré et, en ce qui concerne l’oeuvre en présence, diablement abouti.
Excellent premier jet donc, doublé de la certitude que la suite qu’Accident lui donnera sera au minimum de même teneur.