Karaocake, puisque c’est d’elle (une certaine Camille) qu’il s’agit, fait les choses avec simplicité, utilisant entre autres le piano électrique de sa soeur, la boite à rythmes d’un Casio et des synthés analogiques, le tout avec une vieille console allemande et dans un esprit Do it yourself total. Avec l’appui de son « collègue de label » François Virot pour les tournées, et de Stéphane Laporte alias Domotic (producteur entre autres de l’excellent Characters de The Patriotic Sunday), elle enregistre dans sa chambre, voire son lit, sous l’influence de Hood et Yuochiro Fujimoto, la capacité de ce dernier à enregistrer des chansons simples avec un son pourri, comme elle le dit dans la bio qui accompagne ce bien bel opus, l’a yant grandement marquée.
On a l’impression d’entendre une Liz Phair electro-pop, et le superbe Bodies and minds, premier morceau de Rows and stitches, exhale une splendeur pop irrésistible. Le chant, sincère, presque naïf, et l’ornement sobre, rudimentaire, vont de pair et charment sans rémission, de même que ces guitares fines ou légèrement plus acidulées. Puis l’electro sombre d’It doesn’t take a whole week valide la forte impression laissée par ces débuts étincelants, avec ses nappes synthétiques virevoltantes, et on comprend alors qu’avec cette manière de faire, cette habileté à tirer le meilleur d’une démarche réduite à trois fois rien, Karaocake npus surprendra, et nous enchantera, jusqu’aux dernières notes de son album.
L’orientation electro-pop prévaut certes, mais affiche une belle variété, faisant dans la douceur tout en s’offrant de petites envolées aigres-douces (Change of plans, magnifique), voire un titre à l’énergie presque punk, dénudé et très lo-fi dans l’esprit (Eeeeerie).
Lo-fi, c’est le terme qui convient le mieux à ce disque, à la demoiselle, qui continue à enchanter son monde sur le bien nommé Medication, véritable antidote à la morosité et à la médiocrité, porteur de cette dualité chant/synthés, assorties de guitares avenantes, concluante.
On pourrait s’arrêter à tous les titres présentés sur Rows & stitches, chacun possédant un pouvoir de séduction énorme, mais quoiqu’il en soit, il convient d’appréhender ce disque dans son intégralité, d’une traite, sans omettre la moindre plage, entre Never sure et ses choeurs merveilleux et Not trying hard enough, lancinant, presque shoegaze de par son enrobage musical, qui met un terme à ce voyage sonore de toute beauté.
Entre deux, on s’enthousiasmera pour Homeland inwards et son rythme remuant allié à des claviers obsédants (c’est souvent le cas sur l’album) et ce chant enjôleur, le posé Hide & seek, sur lequel de simples bruitages, très brefs, suffisent à faire la différence, et l’ambiance « église » de Brooklyn bridge, dépouillé, auquel succède A kingdom, superbe exemple de composition lo-fi à la fois sucrée et gentiment souillée. Sans oublier White tree, dans le même esprit que A kingdom, qui met en valeur l’organe vocal de son auteure. Laquelle signe là un album parfait, à mille lieues des productions trop léchées, plates et sans saveur, trop démonstrative, de beaucoup d’artistes recourant à une production « clinquante » destinées à marquer une inspiration défaillante. Au contraire de ce disque sur lequel celle-ci fait feu de tout bois et engendre un résultat assez époustouflant.