Bonne idée que cette réédition d’un album essentiel, qui revient de façon récurrente dans tout discours s’appliquant au rock malsain et déviant.
Ici, outre le mix originel de Bowie, dont le choix constitue quelque part une forme de reconnaissance, par Iggy et sa clique, de sa valeur, on trouve un live brut de chez brut, enregistré en octobre 73 à Atlanta, et des raretés dont beaucoup valent le détour (ce troisième cd était destiné, au départ, à l’édition Deluxe, mais puisque je l’ai reçu, il m’est difficile, vu le contenu, de ne pas en parler en ces lignes).
On débute donc par cet opus légendaire, qui d’un Search and destroy sauvage mais retenu, splendide, à ce Death trip leste et vicié, balourde huit titres au panel remarquable, certes connus et reconnus en raison de leur côté « wild », mais dont certains affichent des qualités mélodiques imprenables (Gimme danger), pendant que d’autres, embrasés par la guitare du sieur Williamson, déversent leur jouissive bile pour notre plus grand bonheur (Your pretty face is going to hell). Il y a aussi dans ce disque une sensualité perverse, celle de Penetration, et l’on se rend compte que le mérite de Bowie et des Stooges est avant tout, avant même la sauvagerie liée à l’objet, d’y faire cohabiter instinct primaire et « distinction » noyée dans le flux de ces élans incoercibles. Et si Raw power, le titre éponyme, fait la part belle au premier, le magnifique I need somebody honore le second tout en complétant le tableau, fringant, de ce Raw Power de folie. Avec un Shake appeal insoumis (on comprend vite, à l’écoute de ce titre et d’une façon générale de l’album, où nombre d’artistes « ultérieurs », au sein desquels Nirvana et Mudhoney, sont allés puiser leur force et leur inspiration), nul besoin de revenir sur les innombrables vertus d’une oeuvre dont la non-possession en ses étagères, concernant tout amateur de rock direct et bien sur ouvertement provocateur et non-conventionnel, couvrirait ce dernier d’une honte indélébile.
A l’issue de cette délectable secousse, voilà que se profile ce live à Atlanta, « Georgia peaches« , assez conséquent (plus d’une heure si on y inclut les deux inédits « surprise » qui y sont ajoutés sur ce second cd), illuminé entre autres par un Head on classieux, bluesy et noisy, au piano avenant et qui semble, comme par magie, tenir debout, fier et imperturbable, au milieu de ce raz de marée sonore, ou encore la flopée de titres issus de Raw Power. Et sur la fin, trois réalisations indispensables, à commencer par Heavy liquid saccadé, mené pr une batterie assénée, ce piano, encore, épars et décisif, et comme de coutume, le brio des frères Asheton, à la rythmique de feu, et de James Williamson. Dotée d’accélérations brusques et enthousiasmantes, cette compo relaie parfaitement le quintet d’ouverture et impose des accalmies, si l’on peut dire, bien amenées, puis c’est Cock in my pocket, furieux et joué à l’emporte-pièce mais avec maitrise, puis un Open up and bleed de toute beauté, qui ferme la marche. Ce dernier, long de plus de dix minutes, offrant de superbes parties d’harmonica et une ambiance générale détendue, bien que forte d’une arrière-plan tendu…et qui finira par exploser sur ses dernières minutes pour livrer une envolée sonore foutraque et colérique.
Passé cette prestation incandescente, Doojiman et Head on (rehearsal performance), inédits issus des archives de chez Sony, apportent leur contribution, significative, à ce festival sonore. L’un dans un style bluesy au chant…Crampsien, terrible, l’autre dans un climat également bluesy à la fois d’ « époque » et passé à la moulinette Stooges, remonté, bien breaké pour ensuite prendre fin sur ces plans d’harmonica déjantés alliés à des guitares, et une section rythmique, en roue libre.
Le plaisir se prolonge donc sur cette troisième rondelle aux dix morceaux précieux et géniaux, dont les quatre outtakes issues des sessions de Raw power, sur lequel elles n’auraient aucunement dénoté. Entre ce I’m hungry assez classiquemet rock’n’roll, immédiatement tubesque et porté par des riffs déments, ce I got a right à l’énergie punk, rapide et sans fioritures, au solo délectable, I’m sick of you, distingué et vocalement remarquable, tout comme dans son envelope sonore mesurée, qui finira par hausser sensiblement le ton, et Hey Peter, court et incisif, qui va à l’essentiel, l’entrée en matière est exemplaire. On n’est cependant pas au bout de nos surprises, avec les singles japonais de Raw power et Search and destroy qui suivent, puis les Alternate mix de Shake appeal et Death trip, dépolis et endiablés.
Enfin, il y a les Iggy mix de Gimme danger et Your pretty face is going to hell, l’appelation, Iggy mix, définissant à elle seule la teneur et l’intensité de ces deux titres de feu. Et ces raretés, indispensables au même titre que ce qui les précède, mettent fin dans le chaos à une réédition de tout premier ordre, bien équilibrée entre studio, live et partie consacrée à des sorties plus inédites, qui outre le fait qu’elle complète et remet à l’ordre du jour un album faisant d’ores et déjà partie de l’histoire, apporte l’énième preuve de l’imprenable talent des Stooges et de leur influence sur un pan impressionnant de la scène actuelle et plus datée.