Aidés en cela par Miguel Constantino (Marvin, Papier Tigre et Clara Clara, entre autres; le bonhomme a de toute évidence l’expérience des formations atypiques) et fort de dates avec d’autres combos tout aussi insoumis (Robocop Kraus, Basement, Death To Pigs, Joe Lally de Fugazi), Natasha Herzock, qui se distingue ici par l’ambivalence de son chant, aussi sensuel que rageur, et ses collègues livrent douze titres aux humeurs changeantes, sans faille aucune. Le son est à la fois brut, sans « gonflage » superflu, et distinct, et Kimmo privilégie bien entendu le jeu live, sans fioritures donc mais cohérent et captivant.
Dès Kikkoman, ce juste dosage, initié par la voix de Natasha et l’instrumentation tendue, nuancée comme et quand il le faut, des trois garçons, fait mouche et on comprend sans plus attendre que le groupe a franchi un pallier et maitrise complètement son procédé. Les investigations ont abouti et l’on peut maintenant parler d’un son Kimmo, tant les influences sont ici digérées et parfaitement réinvesties, méconnaissables même. Tout juste peut-on déceler ça et là des bribes de l’impulsivité d’un Fugazi, et le panel imposé par Kimmo se montre large et probant, que ce soit dans les plages alertes comme dans les moments plus lourds. Les guitares, claires ou plus offensives, font feu de tout bois, la rythmique ne montre aucune faiblesse et l’enchevêtrement des chants produit lui aussi un effet durable et significatif (National plan). On aime Kimmo quand il caresse, on l’aime tout autant quand il agresse, et on le plébiscite lorsqu’il allie les deux et nous offre des morceaux de ce niveau. Natasha, très en verve, illustre bien, par son chant remarquable, ces oscillements permanents entre colère et apaissement (After the show), et les parisiens, après un interlude posé, relancent la machine de plus belle, à l’aide d’un Clac son furieux et assez fonceur, au sein duquel les voix associées font une fois de plus merveille. Deux décennies de rock insoumis sont ici passées au crible, à la moulinette Kimmo, les styles qui y sont liés trouvant tous, ou presque, droit de cité dans ce que font les quatre musiciens. Et ceux-ci, tout comme Papier Tigre et son rock-noise singulier, définissent, partant de là, leurs propres règles, leur propre orientation, pour au final accoucher d’un opus majeur, dont la fin soutient sans flancher la comparaison avec sa première moitié, entre un Coton tige caractériel, ce Sécurité enclenchée uniforme et retenu, puis Une rose à Luxembourg, accalmie menaçante dont on sent qu’à tout moment, elle peut partir dans une embardée nettement plus belliqueuse. Cela ne se produit pas et Kimmo reste ici dans une retenue superbe, à peine secouée par des soubresauts instrumentaux bien ficelés.
Puis Hell sinki, d’abord posé puis vocalement et rythmiquement plus mordant, conclut magnifiquement ce qui restera comme l’une des réalisations les plus intéressantes et concluantes, cette année et dans nos contrées, en matière de rock sauvage et distingué à la fois.