J’ai déjà eu le privilège d’écrire au sujet de deux « poulains » talentueux du label Ikoz: Motionless et Panta Rei. L’expérience se poursuit, pour le plaisir des mes écoutilles, avides de sons « autres », avec l’album de John Makay, duo amienois constitué de Romain (guitare) et Charles (batterie). Celui-ci oeuvre dans un math-rock haut en couleurs, doté de fulgurances touchant à la noise ou de touches jazzy subtiles et bien senties, et finalise brillamment, avec ce joli digipack enregistré à Pont de Metz, dans un haut lieu de la culture locale…décalée, sous la houlette de Ben Moritz, habile et reconnu pour ses interventions dans ce domaine, des travaux de composition continuellement concluants. Après des prestations live incandescentes, l’évènement était attendu et la paire picarde tient toutes ses promesses, dès In the mood for John, qui nous plonge d’ailleus, d’emblée, dans une atmosphère caractéristique du groupe; l’alternance des climats, doublée d’une belle maitrise, jamais démonstrative mais plutôt mise au service de l’élaboration d’un son personnel, prévaut et débouche sur un titre à l’image de John Makay: imprévisible, instinctif et bourré de feeling. De plages finement construites en ruades brusques et bienvenues, Charles et Romain font preuve d’inspiration, ce que démontre ensuite Château de quartes, saccadé puis fonceur et reflétant de belle manière la complèmentarité trouvée par les deux musiciens, qui se permettent même une intro quasi funky très réussie, à laquelle succèdent des riffs durs et peu conventionnels, dont Romain à la secret, sur Oh! Un rayon de ciel bleu.
En outre, John Makay fait intervenir David Monet, des excellents Funky Skunk, sur La papaye, celui-ci apportant un plus, par le biais d’envolées de claviers qui lui sont propres, à ce morceau vivace et enthousiasmant, doté d’un chant allant de pair avec l’ambiance et l’esprit que cette composition dégage.
Autour de cela, il va sans dire que la petite « clique » nous régale derechef, comme sur un Laura Palmer contre Superman fonceur et bien « breaké », et reprend avec le même bonheur Anthem for the earnest de The Bad Plus qui déclenche, je le prétends de façon sure pour l’avoir vécu, un certain contentement, au niveau du public, dans les conditions du live.
Chaque morceau fait mouche et nos « locaux » parviennent à captiver par cette musique changeante, haute en couleurs, aux structures hors-normes et bien en place, tout en s’affairant avec brio à l’élaboration d’un son qui leur est propre. On se surprend ainsi à un intérêt affirmé pour Bold as death, à la fois souple et massif, ou un Bold as John dépassant les sept minutes, très fin en son début puis montant ensuite en puissance dans la cohérence, et l’irrévérence, les plus totales, pour ensuite revenir à des prétentions plus apaisées. Puis on succombe à un Witch girl époustouflant, de plus de dix minutes, véritable festival sonore et stylistique sur lequel tout ce qui fait la force et l’attrait, l’identité du groupe, s’impose à l’auditeur. Et on approuve pleinement cette première réalisation à l’image du label qui l’abrite et de son catalogue: imprévisible, insoumis et captivant.