Label parisien consacré au jazz, ce qui constitue déjà une forme d’audace, voire de performance, au vu de la « santé » de l’industrie du disque, Heavenly Sweetness, aux sorties partagées entre rééditions et produits plus actuels, nous présente une belle carte de visite sous la forme de cette compilation en deux parties, l’une incluant les artistes « made in Heavenly », l’autre proposant des remix ou reprises, par des intervenants extérieurs, de titres issus du catalogue de la structure.
Le jazz multiformes des formations présentées vaut immanquablement le détour, ne serait-ce que pour ce côté diversifié, et convainc sans forcer, que ce soit dans ses moments les plus suaves, les plus feutrés (l’excellent The creator has a masterplan, très soul, signé Thunderbird Service, en ouverture), dans ses climats façon musique de film, dépaysante (Ode to Ethipia, par The John Betsch Society), ou dans ses embardées soul-funk groove en diable (un Vero [Edit] irrésistible, oeuvre de Anthony Joseph and the Spasm Band), et de chacun des titres de ce premier cd se dégage une passion indéniable, source de réussite, et une ambiance singulière et attrayante. Et même sur l’unique morceau dépassant les dix minutes (Bo nuggy, interprété par ce même Anthony Joseph), on se retrouve drapé dans une étoffe musicale, vivace et racée, de haute tenue.
Passé ces douze compositions originales, ce sont des remix et reprises eux aussi aboutis qui s’offrent à nous et plongent les essais jazzy de départ dans des atmosphères prenantes, et ce dès l’intervention du Professur Inlassable, qui à l’instar de plusieurs morceaux de la première « face », emmène son auditoire vers des contrées musicales rarement explorées. Ceci jusqu’aux deux travaux remarquables de Chickenwing all-stars, en passant par des relectures réalisées par Four Tet, Blackjoy ou encore Carlos Nino, pour ne citer qu’eux. Ce dernier livrant une version électro-free, renversante, du Earth Blossom de John Betsch. Les titres mis à l’honneur trouvent une véritable seconde vie dans ces « reliftings » de tout premier ordre, qui s’avèrent au final parfaitement complèmentaires du premier cd, avec lequel elles forment un tout cohérent et sans fautes.
Saluons donc l’initiative et la qualité du rendu et profitons pleinement d’une musique « autre » attractive à souhait. Pour ma part, je me remets, pour débuter, l’excellent remix du Dope of Power de Doug Hammond par Four Tet, ou celui, doté de touches acidulées remarquables, du Airmail de Don Cherry & Latif Khan par Chin Chin…