C’est donc aujourd’hui à Panta Rei, quatuor pratiquant comme il se plait à le définir, un « explosive funk-électro-jazz-rock with a kind of Z« , avant que je ne parle de John Makay, tout aussi barré et excellent, que revient le plaisir d’un premier « ‘ong play ». Celui-ci inclut sept titres dont six dépassent allègrement les cinq minutes, approchant même la dizaine, et suscitent l’intérêt de l’auditeur jusque dans les moindres recoins de leurs structures complexes et vivaces. On a l’impression, et ce dès l’introduction de Clayderman, d’être conviés à un voyage cosmico-sonore dans l’univers Panta Rei, et on se laisse happer par le tourbillon jazzy, doté de scratches bien sentis, de guitares virtuoses mais toujours au service de l’ensemble (grosse prestation de Vincent Ciciliato, à l’instar des ses collègues de jeu) et d’une rythmique, digne de certaines pointures, assurée par Jocelyn Soler et Sylvain Kenny Ruby. Olivier M’Bassé saupoudrant le tout de ses interventions de haute volée, on obtient dès ce Clayderman remuant et brassant adroitement jazz, funk, envolées à la limite de la noise, samples vocaux remarquables, et alternant les climats avec maestria, une alchimie particulière, propre au groupe. Il en résulte, tout au long de Memori(x), des morceaux assez incroyables, techniques certes mais jamais dénués de feeling, comme ce Memory qui s’étale sur plus de onze minutes et part d’un début hip-hop obsédant pour ensuite proposer une envolée céleste à base de jazz-funk. Habilement « breaké », celui-ci constitue une démonstration de maitrise et d’inventivité, d’autant plus qu’il n’est jamais aisé de convaincre sur une telle durée, et fait se succéder plages jazzy relativement calmes et embardées nettement plus soniques, les voix samplées amenant un intérêt supplémentaire à ce tout fringuant en s’associant à cette trame insoumise et endiablée. Le groupe sait faire dans la vivacité après des instants saccadés (Memori(x)), et crée un univers personnel au sein duquel on en vient à ne plus réellement distinguer les appartenances musicales en présence.
Sur Sakamaché, il emprunte au dub, qu’il confronte à son enrobage free, et surprend à chaque morceau, tel Regulus et son funk suave et agité, auquel Kenny insuffle une énergie bienvenue, par le biais des lignes de basse dont il a le secret. Ses compagnons l’épaulent à merveille et tout à tour ou parfois de façon plus individuelle, de façon éparse, ajoutent une touche personnelle tout en restant dans l’esprit Panta Reui à savoir collectif, à la disposition du groupe, et éminemment libre dans l’exécution Et sur Soft, dernier titre de l’opus, c’est un nouveau voyage, mental et dépaysant celui-là, qui nous est offert, un peu à l’image, dans un registre certes différent mais à la démarche similaire, de ce que peuvent faire les artistes de Prikosnovénie, excellent label nantais aux groupes eux aussi éloignés de tout chemin prétracé.
Encore un coup gagnant donc, pour l’écurie Ikoz, dont on espère qu’elle va continuer à évoluer dans l’esprit qui la qualifie, et nous régaler de sorties du même accabit.