En outre, le possesseur de ce petit bijou peut aussi profiter d’un livret vingt-quatre pages, riche et doté de photos et de « petites histoires » elles aussi dignes du plus grand intérêt. On retrouve Roberto Gyemant et Miles Cleret (Panama! 1 et 2) au choix des morceaux, ce qui garantit déjà une qualité certaine.
Musicalement, et si tout ce qui se rapporte aux musiques que je qualifierai d’ « ethniques » ne fait à priori pas partie de mon bagage de départ, j’avoue avoir été émerveillé, à la première écoute, par l’ambiance et la musicalité des titres présentés ici. Et la compilation, une quinzaine jours après, tourne encore sans relâche sur la platine, succédant aux albums noise de chez Rejuvenation ou à ce Berlin 61/89 Wall of Sound lui aussi génial.
Les deux pourraient d’ailleurs être rapprochés, tant dans l’esprit qui les anime que dans cette sélection riche, même si non-exhaustive, d’artistes plus que talentueux. Et Panama!3 pourrait bien, outre la découverte qu’il permet d’un pays dont personne n’aurait parié le moindre kopek sur cette diversité et cet attrait musicaux, rallier une certaine frange du public à ces territoires sonores dédiés à la calypso et aux courants issus de la période Black Power: jazz, salsa, cumbia, doo wop, soul et funk.
Du Fire Down Below de Lord Panama and the Stickers, porté par des cuivres « d’époque » et une trame lente mais énergique à Carmen de Los Silvertones qui clôt les réjouissances sur une note soul-funk apaisée, rien n’est à négliger, bien au contraire, et la pluralité des climats, de même que cette dextérité dans la pratique, et cet allant communicatif (l’étourdissant Samba Calypso signé Orquesta de Armando Boza con Manito Johnson) raflent la mise sans forcer. Un groove incoercible jalonne cette série de morceaux, dont les thématiques s’appliquent autant au « bon temps » et aux prouesses sexuelles qu’à des sujets comme les tragédies et les amours perdues. Ces thèmes inspirent de toute évidence les artistes Panaméens, dont Los Silvertones, encore eux, qui nous gratifient d’un Moving-grooving bien nommé, percutant et dont le contenu rappelle de façon incroyable…Jon Spencer et les Beastie Boys. C’est bien là le signe que cette musique, en plus de ses qualités intrinsèques, a incontestablement influencé certains de nos contemporains. Les voix, souvent mêlées ou successives, chantent avec entrain des tranches de vie heureuses ou plus sombres, et contribuent à la haute tenue des compositions de ce très bel objet, qui nous amène tout naturellement à nous pencher sur la catalogue Soundway, ainsi qu’à faire preuve d’une curiosité plus que poussée envers la scène panaméenne, et on s’enivre autant ici du Chombo Pa’ La Tienda de Soul Apollo with Fredrick Clarke, sobre et entrainant, que du 20 De Enero En Ocu de Yin Carizo, court et exhibant une section de cuivres, assorties d’un accordéon, me semble t-il, enthousiasmante. Et tous les titres possèdent un pouvoir d’attraction bien assis, de même qu’une tendance au « dépaysement » qu’on ne peut qu’apprécier et qui constitue l’un des atouts des bons artistes, j’entends par là ceux au répertoire original et attrayant, pour lesquels la musique est partie intégrante de leur quotidien et sert autant d’exutoire que de vecteur de fête et de danse.
Superbe initiative donc, pour un résultat tout aussi étincelant, avec l’alléchante perspective d’autres surprises à venir de la part de Soundway.