Après deux maxis et un 7′ qui ne laissaient déjà pas planer le moindre doute sur son potentiel, le trio australien hébergé par Rejuvenation, label tenu de main de maître par l’actif et passionné Gred « Reju », en arrive ici à un premier long-jet, nous offrant douze titres, au total, faits d’une noise directe, remuante et aboutie et allant droit à l’essentiel, non sans panache.
Une énergie punk étourdissante anime cet album qui risque fort de devenir l’un des incontournables du genre, d’autant plus que les ressortissants de Brisbane n’offrent ici aucune prise à l’ennui ou à la médiocrité, loin s’en faut. Primaire mais pas irréfléchie, dotée de rythmes bondissants, changeants et souvent très affirmés, d’une basse tenue avec brio par l’élément féminin du trio, et de guitares aux riffs crus et sans fards, la noise de Scul Hazzards emporte en effet les suffrages de façon immédiate, dès Man Up qui ouvre les débats sur une intro lancinante, animée justement par la basse de Tiffany Milne que le chant de Steven Smith, aussi rageur et sauvage que ses six-cordes, et la batterie de Leigh Fischer, épaulent avec autant de mordant que de subtilité dans la construction de cette trame certes indomptable, mais jamais gratuitement brutale. On fait ici dans le percutant, certes, mais avec intelligence, ce que prouve Greater Good, second morceau qui, à l’instar de la plupart de ceux de Let Them Sink, allie à merveille élans saccadés et rythmes déchainés. La batterie breake brièvement pour relancer la machine, et des sonorités noisy évoquant Sonic Youth se dégagent même de ce titre. Scul Hazzards a en effet le bon sens, et le bon goût, suffisants pour ne pas se cantonner à un registre excessivement direct. Compact, doté d’un groove et d’un allant diaboliques, il nuance sa vitesse d’exécution sur Last Few Bucks, sans perdre de sa force de frappe, puis renoue avec son côté direct, superbement étoffé par cette instrumentation boosté par les riffs du sieur Smith, aussi en vue que ses collègues. C’est d’ailleurs la cohésion trouvée par les trois éléments, et la force du trio qu’ils constituent, qui portent cet opus vers les sommets punk-noise, #1# et ses grincements noisy permettant à l’auditeur, ébahi, de retrouver son souffle avant la tornade No Tomorrow. Celui-ci, incoercible et mettant encore une fois en valeur la pertinence du travail effectué par les Aussies, et leur capacité à modérer leur allant sans en altérer la vigueur, leur donnant l’occasion de mettre fin à cette face A de superbe manière.
C’est un autre interlude, en fait le #2# succédant au #1#, qui démarre la face B sur une note apaisée, brève, avant que Needle’s Eye, fonceur puis plus massif, doté d’un passage noisy « dirty » comme on les aime, n’introduise de nouveau la dynamique unique et bien pensée du groupe. Et sur Short Cut, comme pour confirmer la diversité offerte par Let Them Sink dans ce créneau noise, c’est un rythme tonitruant qui s’impose à nous. Ceci avant qu’une batterie assénée ne freine légèrement la cadence, laquelle reprend ensuite de plus belle. Chacun des morceaux présente un intérêt optimal, une énergie fédératrice, ce que démontre May Took It All, mené par une batterie au diapason de ces guitares vrillées et de ce chant impossible à endiguer, ou encore Toothbrush et ses guitares proches de ce que le early Sonic Youth pouvait proposer.
Enfin, c’est un Plastic Protective dans un premier temps lourd et oppressant, puis plus délié, aussi addictif que le sont les morceaux précédents, qui ferme la marche dans une ambiance malsaine et dérangée, qui se déploie lentement, sure de sa force, et instaure la répétition de motifs obsédants, reposant sur une basse énorme, pour captiver et faire de ce disque une pièce majeure, qui honore grandement Scul Hazzards et les cinq labels s’étant associés pour le sortir. Initiative pour laquelle on ne peut d’ailleurs que les approuver et les féliciter. Super disque.