Le quatuor issu de Pancevo affiche en effet une maitrise étonnante, qui surprend moins dès lors qu’on apprend que cela fait au bas mot dix ans que ses membres pratiquent communément. L’intégration qu’un quatrième musicien semble n’avoir eu aucune incidence négative sur la cohésion de groupe, et cet opus éponyme oscille avec à-propos entre noisy rock, heavy rock et élans grunge, le tout dans une variété d’ambiances qui réhausse encore, si besoin était, ses compositions. De morceaux lourds et puissants (Nevena, en introduction), allégés par une voix plutôt mélodique, en titres plus modérés (Hitler satanist) bien que porteur, en ce qui concerne ce dernier, d’une fin massive, en passant par des sonorités plus exotiques (The black dagger, également très réussi), Jewy Sabatay étincèle et nous gratifie de dix chansons largement au niveau des pointures du genre. On pense à Alice In Chains, mais aussi aux penchants atmosphériques d’un Radiohead, dont les Serbes reprennent à leur compte l’extrême sensibilité vocale et instrumentale, et ce sont finalement quasiment deux décennies de rock sombre et multiformes qui sont résumées, sur ce disque, avec une belle assurance. Qu’il fasse le choix d’une certaine douceur mâtinée de touches plus appuyées (Lisac Od Zelatina), ou d’un registre plus direct et saccadé (Hermes), le combo serbe se montre d’une compétitivité à toute épreuve. On regrette de ce fait la confidentialité réservée à cette catégorie d’artistes, dont les productions, éloquentes et sans failles avérées, mériteraient un tout autre sort, et on se prend à espérer que dans le cas de Jewy Sabatay, ses capacités superbement exploitées interpellent, outre les acteurs de chez Chabane’s Records, déjà bien au fait de ces indéniables qualités, l’attention, au minimum, des programmateurs européens.
A l’écoute de cet opus, et par exemple d’un titre comme Uspavanka Za Vericu M., ce ne serait que pure logique, le climat lourd et oppressant des ressortissants de Pancevo, bien construit, trouvant en cette voix expressive son parfait contrepoint et débouchant sur des réalisations dont aucune, c’est à souligner, ne s’expose à la moindre critique éventuelle.
De plus, Jewy Sabaty ne faiblit aucunement sur la fin de son album, entre Okean Srece, aérien et dans la retenue, et ce Prevaradans dans l’exact esprit du groupe: mélodiquement affirmé, noir et porteur en arrière-plan, ou de façon plus évidente, d’une puissance salvatrice et toujours bien régulée.
Découverte significative donc, bien que tardive, d’un groupe dont on parle trop peu, et qui outre la pertinence de ses travaux, a pour mérite de nous inciter à nous pencher de façon plus conséquente sur la teneur et le contenu de la scène Serbe.