Elle est canadienne, et a un parcours suffisamment original pour attirer l’attention. Ici, il n’est pas question d’un dévouement total à la musique : Melissa Laveaux a pris le temps de faire des études, dans la sociologie, science politique et philosophie appliquée. Bref, la retrouver en colocation à Paris pour présenter son premier disque au lieu d’Ottawa, où elle a fait ses études, voici une première surprise.
Musicalement aussi, on a une candidate folkeuse plutôt originale, dans l’ensemble des chanteuses folk qui envahissent les scènes et les bacs des disquaires. De par ses origines haïtiennes, la jeune Canadienne offre une musique où le rythme et la simplicité mélodique prédominent. Pourtant, au niveau du feeling rythmique, c’est vers l’Afrique que j’ai envie de regarder, et plus précisément chez Keziah Jones. Alors, certes, elle n’a pas la virtuosité du Nigérian, mais ce dépouillement rappelle quelques titres des débuts du guitariste. Mais Melissa Laveaux a aussi une très belle voix, un peu voilée mais avec une sensualité mutine qui rappelle Skye Edwards de Morcheeba. Le disque oscille gentiment entre ces différentes influences, et offre un métissage plutôt sympathique.
Derrière la décontraction des rythmes et la langueur de l’élocution de Melissa Laveaux, il y a de la créativité et une réelle force d’évocation. « I Want To Be Evil » termine le disque sur une promenade sur un bord de mer qu’on devine mal famé, au rythmes des trompettes un brin salaces et des percussions moites. Mais la jeune femme est une personne qui a vécu l’exil, et qui sait transmettre ce mélange fait d’ouverture sur le monde mais aussi de mélancolie. « Scissors », « My Boat » ouvrent le disque sur de simples duos guitare-voix, qui sait exprimer avec précision les petites choses avec pudeur, grâce à une production minimaliste, mais qui permet aux mélodies de tisser leur toile de douceur. Elle jongle avec talent entre l’anglais, le français (elle a vécu à Montréal) mais aussi des mots d’haïtien, et insère aussi avec talent quelques notes de mélodica pour exprimer une vision du folk pas tout à fait classique, simple dans son approche rythmique mais qui laisse pleinement place aux émotions. Le disque est aussi parsemé de petits intermèdes, petits moments tendres ou nostalgiques qui offrent des respirations au disque. N’ayant pas froid aux yeux, la jeune Candienne se permet même une courageuse et réussie reprise d’Elliott Smith et son « Needle in the Hay », qui prouve qu’elle est à l’aise dans sa musique, et qu’à seulement 23 ans, elle a déjà pleinement confiance en elle. Si l’album comporte bien quelques petits moments faibles (« Chère trahison » ou « Akheela’s Heel », un peu en retrait), l’ensemble se tient bien et se déguste agréablement, en regardant l’horizon au loin. Si vous avez envie d’un disque de folk de poche et qui vous emmène loin, vous seriez bien avisé de jeter une oreille à « Camphor and Copper ».
Le MySpace de Melissa Laveaux
Ecouter « Camphor and Copper » sur Deezer