La Belgique est décidément un excellent pourvoyeur de talents rock. Les albums de Deus ou Ghinzu, pour faire court, en attesteront. A ce duo, il convient d’ajouter Venus, qui avec cet album change très légèrement de cap sans pour autant dénaturer sa musique, et signe une fois encore un disque irréprochable. Après l’expérimentation à la Deus de "Welcome to the modern dance hall", toutefois plus modérée que chez les anversois, et le superbe live enregistré à Bruxelles et magnifié, renforcé dans sa dimension dramatique et émotionnelle par la présence d’un orchestre, Venus épure ses mélodies et privilégie ici l’option ouvertement …mélodique. L’émotion est à nouveau le moteur de cet opus et une délicieuse mélancolie parcourt cette oeuvre incontournable. Violon, piano, cordes et instruments plus directement rock servent de parfait écrin au chant envoûtant de Marc A. Huyghens et se mettent au service de morceaux sobres, dépouillés et accrocheurs à l’extrême. Malgré cette simplicité apparente, la musique des Belges garde toute sa profondeur, toute sa force d’évocation et sa splendeur, et demande un petit effort d’écoute et d’assimilation. A l’image de tout grand album, celui-ci ne se livre pas de suite; on n’en décèle toutes les richesses, on n’en extrait toute la substance qu’au prix d’un effort dont le résultat s’avèrera être un véritable enchantement. Tout comme les groupes cités en début d’article, Venus possède sa propre identité et cette collection de morceaux scintillants, parfaitement cohérente, en apporte la preuve. Le délicat "Happiness", obscur et tristounet, donne le ton général avant que le plus enjoué "Beautiful days", véritable tube en puissance, ne démontre, s’il en était encore besoin, la maîtrise du groupe dans toutes les options choisies. Ici, chaque morceau est au top et mériterait son petit descriptif tant les qualités intrinsèques de ces chansons sont énormes. A l’écoute d’un morceau comme "Wanda Wultz", par exemple, on comprend vite où la bande de John Stargasm est allée puiser son inspiration, puis un titre comme "Million miles away" ou encore "Sand dollar" parvient à se hisser, dans le climat élaboré et dans l’émotion , la pureté dégagées, à la hauteur d’un groupe comme Radiohead. Arrive ensuite le piano groovy, allié à ce violon toujours captivant, de "Asia", autre titre marquant de ce "Vertigone" aux allures d’album de la consécration. La seconde partie est du même niveau, de l’aérien "Daystar" à "Big waste ground", porté par le violon de Christian Schreurs, en passant par le superbe "Kallenowsky", à la ligne de chant obsédante, le climat post-rock très prenant de "Little hotel" ou la belle énergie rock de "Navajo dream", pour résumer. Le talent d’écriture et de composition de Venus atteint ici son paroxysme et lui ouvre d’autres perspectives, tout en lui faisant passer un cap supplémentaire avec cette évolution vers des contrées plus épurées. Partant d’une base expérimentale, Venus étoffe ses création au gré de ses humeurs, de ses envies et réussit le tour de force de captiver à chaque album. On ne connait pas la suite, mais on sait qu’elle surprendra et passionnera, et ça, c’est inestimable. Superbe.